Le château des Grands-Ambésis
 
     
Quels souvenirs évoque ce petit château (ISMH), situé à l'écart des Ambésis, à un kilomètre environ au sud du petit hameau du Mousseau ?

Son histoire se confond avec celle de ses propriétaires : ce fut là qu'à la fin du XVIIe siècle, une certaine Marie-Jeanne Wernesson, veuve de Denis Beneton de l'Isle, fit donation par acte du 20 juin 1707 à Nicolas Tixerand, directeur de la Manufacture des Glaces fondée par Colbert, puis contrôleur général des actes, et à son épouse Marie-Jeanne Rousseau, sa nièce, fille de Jean Rousseau, maître d'armes à Paris, du domaine dénommé alors les "Grands Embézis". La maison de maître des Ambésis, véritable témoin du charme et du raffinement du XVIIIe siècle, se compose d'un corps de bâtiment principal de sept travées avec salle à manger, deux salons, entouré de deux ailes de communs. L'aile Est renferme l'ancienne chapelle. Le parc aux arbres séculaires, dessiné à l'anglaise avec des allées courbes et une pièce d'eau centrale, se déploie jusqu'au terres cultivables donnant sur la Vallée de Chevreuse. Il est longé à l'Est par un double potager.

 

     
Telle que nous la voyons aujourd'hui, elle fut construite, au tout début du XVIIIe siècle (entre 1707, date d'acquisition de la propriété par Nicolas Tixerand et 1744, date de la donation de la propriétaire, par testament, de la dame Tixerand à Henri-François Rousseau, son frère, écuyer, maître d'Armes du roi), et plus probablement en 1720, hypothèse qui serait confirmée par l'inscription figurant sur une tomette d'une des chambres du premier étage de la maison "1720 - Parelle de Pons Lessare". La propriété resta entre les mains de la famille Rousseau une dynastie de maîtres d'armes, jusqu'en novembre 1756, quand les héritiers d'Henri-François Rousseau, décédé, la vendirent au chapelain du roi en la chapelle du Chenil à Versailles, un certain Antoine Hervy. La famille Aubilliard, l'acquiert à son tour, à peine un mois plus tard - donation de Antoine Hervy à Marie-Anne Léger, épouse de Pierre-François Aubilliard, ancien capitaine d'infanterie, premier commis de la Guerre à Versailles - et la gardera jusqu'en 1799. Entre-temps, Jean-Baptiste-Ernest Buchère de Lépinois, ex-dragon de la Reine convertit en corsaire, tristement célèbre pour avoir comploté sous la Convention afin de restituer sur le trône, Marie-Antoinette et son fils, et pour avoir fini sur l'échafaud avec ses compagnons les "Hébertistes" en 1794, achète en usufruit une partie des terres de la propriété ainsi que la ferme.
     

Jean-Baptiste Ernest Buchère de Lépinois
(1751-1794)

Le salon

la mère de
Jean-Baptiste Ernest Buchère de Lépinois

     
Le 10 septembre 1799, Jean-Baptiste Loubradou de la Perrière, commis au Bureau de la Guerre et Marie-Catherine Jubault, son épouse, demeurant à Paris, achètent l'ensemble pour 48.000 francs. Ils le revendirent le 11 avril 1817 pour 60.000 francs à François Jacques Antoine Mathieu de Reichshofen, diplomate, chef de division au Ministère des Affaires Étrangères, conseiller de Légation près de la Confédération Germanique. La propriété continua d'être rachetée de nombreuses fois tout au long du XIXe siècle, notamment par Charles de Boromée de Martiny (août 1828) et par la mère de Louis-Joseph Ernest Picard.
     
C'est en effet, le 17 août 1850 que Louise Galathée Cougouilhe, née à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe en 1802 d'un armateur bordelais, veuve de André Louis Henry, directeur d'une maison de banque (1780-1845) originaire d'une famille bourgeoise de Pont-de-l'Arche (Eure), fait l'acquisition du château des Grands-Ambésis pour la somme de 50.000 francs. Blotti dans un site sylvestre et tranquille, c'est ici dans la maison de campagne de sa mère, dès que les soucis parlementaires lui laissaient quelques loisirs, que se retirait volontiers Ernest Picard. Il aimait venir chasser dans ce vallon sauvage entouré de hauts taillis hantés par des cerfs, des chevreuils et des sangliers.

 

Louise Galathée Cougouilhe

     
Signalons qu'à cette époque, Jules Favre, Jules Ferry, Emile Ollivier, Ernest Renan, Marcellin Berthelot, vinrent fréquemment faire de cours séjours au château des Ambésis. Les tilleuls de l'allée principale du château, se souviennent encore probablement de ses prestigieux promeneurs, dont les conversations ont peut-être influé sur le sort de nombre de concitoyens, en cette période mouvementée des débuts de la IIIe république.
     

Jules Favre (1809-1880)
Ministre des Affaires étrangères du gouvernement de la Défense nationale en 1870

Jules Ferry (1832-1893)
Ministre de l'Instruction publique de 1879 à 1883

Emile Ollivier (1825-1913)
Ministre de la Justice en 1870

     
     
Louis-Joseph-Ernest Picard naquit le 26 décembre 1821 dans la demeure familiale, au n° 44 de la rue de l'Echiquier, dans le 3e arrondissement de Paris. Il fit ses études au Collège Rollin, puis à la Faculté de Droit de Paris où il sera licencié en droit en 1844, il devient vers 1851, secrétaire d'un célèbre avocat de Paris, Félix Liouville. En même temps il s'investit sur le plan local au Mesnil-Saint-Denis en devenant secrétaire du Bureau de Bienfaisance le 2 février 1851. En octobre 1860, il épousera Sophie Liouville, la fille du bâtonnier et entrera de cette façon dans une famille de parlementaires.
     
Elu le 9 mai 1858, député de la Seine au Corps Législatif comme candidat de l'opposition à l'Empire, il fit partie du groupe des Cinq, où il se fit le spécialiste des questions financières et de l'administration. Réélu en 1863, il se sépara l'année suivante en 1864 de la politique d'Emile Ollivier, son plus proche ami avec Anatole de La Forge depuis le collège Rollin, et forma après 1869, un nouveau groupe où il sera le chef des dix sept députés de la "Gauche Ouverte"

   

Louis Joseph Ernest Picard, par Henri Chapu

 
Il fonde en juin 1868 avec Jules Faure et son frère Arthur-Eugène Picard, le journal politique L'Electeur. Au lendemain du 4 septembre 1870, il fut membre du gouvernement de la Défense Nationale, présidé par le général Trochu, gouverneur militaire de Paris, où il sera ministre des finances. Le 28 janvier 1871 il accompagnera Jules Favre pour négocier avec Bismarck l'armistice et parviendra à récupérer des banquiers parisiens les 200 millions destinés à la contribution de guerre. Il supprime par Décret du 5 septembre 1870 le paiement des droits de timbre sur la presse, et fait passer sous le contrôle du Département le domaine de la Couronne (10 novembre 1870). Démissionnaire en février 1871, il fut élu député de Seine et Oise et forma à la demande d'Adolphe Thiers, un cabinet où il garda le portefeuille de l'Intérieur jusqu'au 31 mai. Un décret du 5 juin 1871 le nomme remplaçant de M. Rouland au poste de Gouverneur de la Banque de France, mais il refuse préférant alors le poste de ministre de France à Bruxelles (1871-1873). Elu conseiller général de la Meuse en 1873 puis sénateur inamovible le 10 décembre 1875, il siégea au Centre Gauche. Ernest Picard expire à Paris le 13 mai 1877, il repose au cimetière du Père-Lachaise, dans la sépulture familiale, ornée d'un médaillon en marbre blanc à son effigie, oeuvre du sculpteur Henri Chapu (1833-1891), auteur de la "Jeanne d'Arc à Domrémy" au Musée d'Orsay.
Au décès de Mme Vve Picard survenu le 24 janvier 1876, le domaine des Ambésis, revint à son deuxième fils, Arthur-Eugène Picard, frère d'Ernest. Né à Paris, le 8 juillet 1825, connu sous le nom de "Picard d'Ambésys", marié à Odette de Cortade, il fut comme son frère, homme politique et participa lui aussi à la vie locale en s'investissant dans les oeuvres de charité du Mesnil-Saint-Denis, puisqu'il fut nommé le 20 mai 1864, membre de la commission administrative du Bureau de Bienfaisance. Avocat, riche propriétaire terrien dans le Gers, en Seine et Oise et dans les Basses-Alpes, il fut nommé sous-préfet sous l'Empire puis démissionne en 1859. Rédacteur en chef du journal "L'Electeur libre", il est battu aux législatives de 1869 et de 1871, mais il finit par être élu député en 1876, siégeant au Centre Gauche. Réélu en 1878 puis en 1881, il ne réussira pas à entrée au sénat en 1885, et échouera la même année ainsi qu'en 1889 à la députation. Il décéda le 17 novembre 1898 à Toulouse, et repose dans le caveau familial au Père-Lachaise.

   

Arthur-Eugène Picard

     
Le troisième personnage illustre de cette famille, fut le fils d'Ernest, Paul-Ernest Picard.

Natif de Meudon le 25 mai 1868, Paul-Ernest Picard fit ses études à Paris, où il obtiendra sa licence ès lettres et de droit. Il se fit inscrire au barreau puis fut nommé sous-chef de cabinet au Ministère du Commerce en 1896. Le 31 janvier 1898, il devient chef de cabinet du Gouverneur de la Banque de France, M.Pallain et chef du secrétariat de la Direction des Finances de l'Exposition Universelle en 1900. Le 12 avril de cette même année, il sera nommé chevalier de la Légion d'honneur. Le 14 mars 1901 il est chargé des fonctions de chef du contentieux de la Banque de France, puis il est nommé secrétaire général le 8 août 1905. Il reçut le ruban rouge de l'Ordre National d'Officier de la Légion d'honneur le 31 décembre 1912 et celui de Commandeur le 22 août 1920. Le 5 novembre 1920, après 22 ans et 9 mois de service, il est nommé Sous-Gouverneur et à ce titre signataire des billets de la Banque de France. Le 6 janvier 1912 il est nommé censeur à la Banque d'Etat du Maroc. Puis du 26 juin 1926 au 1er février 1934, il gouvernera la Banque d'Algérie.
     

Paul-Ernest Picard

Billet de banque signé par Paul-Ernest Picard

     
Il mourut le 15 avril 1948, après avoir été pendant cinquante années conseiller municipal et maire-adjoint du Mesnil-Saint-Denis. Pour rendre homme à cette illustre famille, la municipalité du Mesnil-Saint-Denis décida le 12 septembre 1905 de débaptiser la Grande Rue du village pour la dénommer "Rue Ernest-Picard" puis le 25 août 1948 en présence d'Alain Poher, alors sous-secrétaire aux Finances, d'y accoler le prénom de son fils Paul pour devenir ainsi la "rue Paul et Ernest Picard".

Au décès de Paul Ernest-Picard, le château revint par succession à ses enfants et fut alors loué à la famille Baron-Roche. Les descendants Picard s'étant retirés de l'autre côté de la rue, dans le manoir construit à la fin du XIXe siècle par la veuve de Ernest Picard, qui y réalisa l'aménagement intérieur.

Enfin le 1er août 1910, lors d'une vente aux enchères à Marseille, le château fut acquis en la personne de Emile Alexis Roche et son épouse Marie Girardin, pour la somme de 57.200 francs. C'est à cette époque que Louis Baron, notaire à Versailles et son épouse Thérèse Roche vinrent s'installer dans le château.

De nos jours les descendants de cette famille en sont toujours propriétaires.
     
     

     
     
     
Le château avec le parc, le jardin à l'anglaise et son potager aux parterres sertis de buis taillés (Association Les Amis du Potager des Ambésis) est ouvert au public lors des journées nationales du Patrimoine au mois de septembre de chaque année. Renseignements auprès du Syndicat d'initiative (01.34.61.49.79).
     
     

     
     
     
© Olivier FAUVEAU - 2001    
     
 

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