François Jacques Antoine Mathieu de Reichshofen     

 

... ou Histoire d'une famille de noblesse alsacienne      

 

D'une famille de robe venue de Lorraine en Alsace sous Louis XIV, lors de l'institution du Corps souverain d'Ensisheim, en 1657, François Jacques Antoine Mathieu, dit de Reichshofen, du nom d'une terre qu'il possédait en Alsace, naquit à Strasbourg, paroisse Saint-Étienne, le 4 janvier 1755, fils de Pierre François Mathieu de Faviers [1722-1788], membre du conseil des Treize et syndic de la noblesse de la Basse-Alsace et de Marie Élisabeth Joséphine Chasseur (ou Lechasseur) [1733-1803].

Il eut pour parrain François Jacques Antoine Dorsner [1728-1772], avocat au conseil d'Alsace à Colmar, et pour marraine Marie Antoinette Dorsner.

Son grand-père paternel, Alexandre Mathieu [1672-1742], originaire de Metz, avait été chargé de l'organisation du conseil souverain de Colmar, lors de la réunion de l'Alsace à la France, et y siégea en qualité de conseiller ; son aïeul maternel, François Faviers, y fut nommé avocat-général.


Il porte les armes : De gueules à une fasce d'argent, chargé d'un croissant de sable, et accompagnée de trois étoiles d'argent, posées 2 et 1, l'écu timbré d'une couronne de baron.

Après avoir terminé ses études à l'université de sa ville natale, où il fit partie de la société de Salzmann (société littéraire fondée vers 1762 à Strasbourg par Johann David Salzmann [1722-1812], secrétaire de la chambre des tutelles de Strasbourg, à laquelle s'était affiliés de grands noms parmi lesquels Johann Gofffried von Herder [1744-1803], Jean Laurent Blessig [1747-1816], Isaac Haffner [1751-1831], Louis-François Ramond [1755-1827], Johann Heinrich Jung-Stilling [1740-1817], Jacob Michael Reinhold Lenz [1751-1792] et Johann Goethe [1749-1832]), il entra en 1778 au service du prince de Hohenlohe à Bartenstein et Schillingsfürst au titre de gérant de confiance et conseiller intime.

Johann Goffried von Herder [1744-1803]

Jean Laurent Blessig [1747-1816]

Jacob Michael Reinhold Lenz [1751-1792]  

Johann Heinrich Jung-Stilling [1740-1817]

Johann Goethe [1749-1832]

Isaac Haffner [1751-1831]   

Il fit dans cette petite cour la connaissance d'un ancien président de la chambre impériale de Wetzlar. Il a souvent avoué qu'il avait puisé dans ses entretiens avec ce président, non moins que dans les cours des universités et, dans les livres, ses connaissances sur l'histoire du droit public germanique.

Employé par les Hohenlohe et les Löwenstein dans des discussions diplomatiques, il fût mêlé à différentes affaires de la Diète germanique à Ratisbonne.

En septembre 1780, attiré par Paris, il songe à changer de position, mais après une visite à Strasbourg en novembre, il renonce à ce projet. Il mit à profit son séjour en Allemagne pour se rendre maître du droit germanique.

En 1787, il devint secrétaire-greffier de l'Assemblée provinciale d'Alsace. Employé d'abord à Shlestadt (aujourd'hui Sélestat), il fut appelé en 1789 à Oberbronn pour être secrétaire général de la commission provinciale nouvellement créée.

C'est alors qu'éclate la Révolution de 1789. Mathieu qui en avait adopté les principes rentra en France, fut élu procureur-général syndic de Strasbourg en octobre 1789, et le 15 janvier 1790, il fut l'un des 41 citoyens fondateurs de la Société de la Révolution (à la tête desquels se trouvait François Louis Théodore Le Barbier de Tinan), créée à Strasbourg par les partisans de Philippe Frédéric Dietrich [1748-1793], premier maire de Strasbourg, dans le but de combattre le "fanatisme" aristocratique et clérical, création qui devait bientôt se retourner contre eux.

Procureur syndic du district (15 octobre), il fut appelé, le 17 février 1791, à faire partie, comme procureur général syndic, de l'administration provisoire du Bas-Rhin, lorsque de Schauenbourg, quitta ce poste pour n'avoir pas à sévir contre les prêtres insermentés.

Quelques semaines plus tard, il fut envoyé comme député de commerce à Paris. Il s'efforça d'y obtenir la conservation des anciennes franchises commerciales de la ville de Strasbourg.

A son retour à Strasbourg, ses efforts, d'ailleurs peu fructueux, trouvèrent leur récompense dans sa nomination définitive au poste de procureur général du département, le 27 mai.
Ce poste, déjà difficile, il ne l'occupa pas longtemps, la confiance de la majorité du corps électoral du Bas-Rhin lui ayant décerné, le 26 août 1791, le mandat de député de ce département à l'Assemblée législative, le premier sur 9, par 418 voix contre 591 votants.

Département du Bas-Rhin - 1791

Il vota constamment, avec son ami Louis-François Ramond [1755-1827], physicien et géologue, et le professeur Christophe Guillaume Kock [1737-1813], professeur d'histoire à Strasbourg, pour la monarchie constitutionnelle, et fut, avec ce dernier, membre du comité diplomatique, dont les députés, Jean-Jacques Rewbell [1747-1807] et Philippe Rühl [1737-1795] faisaient aussi partie. Il siégea parmi les modérés, ce qui lui valut d'être suspect aux yeux des sans-culottes.

Après le 10 août 1792 et pendant toute la durée de la Terreur, il se tint caché afin d'échapper à la proscription et probablement à la mort.

Avec son collègue Pierre-Louis de Lacretelle [1751-1824],  il trouva refuge momentanément à Cernay près de Sannois, chez la citoyenne Broutin.

Marie Rémy veuve du citoyen Pierre Michel Broutin (dernier seigneur d'Ermont et commissaire nommé par le Roi pour la liquidation des affaires de la compagnie des Indes dans les îles de France et de Bourbon), était une amie des hommes de lettres, et pendant les premières années de la Révolution, elle continuait à recevoir dans sa maison.

         

                                                                                                          Marie Rémy veuve Broutin                                                Château de Cernay à Ermont (Val d'Oise)

Elle y accueillait des invités plutôt favorables à la Révolution, comme Antoine Destutt de Tracy [1754-1836], André Chénier [1762-1794], Jean Baptiste Antoine Suard [1732-1817], Jean Nicolas Démeunier [1751-1815] ou l'abbé André Morellet [1727-1819].

    

     

Antoine Destutt de Tracy [1754-1836]                      

Pierre-Louis de Lacretelle [1751-1824]

Jean Nicolas Démeunier [1751-1815]               

André Chénier [1762-1794]

Jean-Baptiste Antoine Suard [1732-1817]

 abbé André Morellet [1727-1819]

Le 10 mai 1793, le Comité de sûreté générale de la Convention nationale donne l'ordre de perquisitionner sans délai chez la veuve Broutin. Dès le lendemain, la chambre de François Jacques Antoine Mathieu est perquisitionnée et on lui demande alors de remettre sa correspondance. Interrogé, il déclare n'avoir aucun écrit, être sans prestation de serment ni aucun certificat civisme, ajoutant ne détenir aucune arme et être ancien député de l'Assemblée législative. Seules deux lettres seront saisies, une datée du 18 avril 1793, l'autre de janvier 1792.

Le procès-verbal se terminant par ces mots : -"Nous pouvons croire que Mathieu n'est pas résident à Cernay aux termes de la loi", il ne fut pas autrement inquiété.

On notera que la famille Mathieu, restera en relation toute sa vie avec Louis-François Ramond de Carbonnières.

Ce naturaliste et montagnard chevronné, escalada trente cinq fois le Pic du Midi. Ses récits d'ascension, ses études de glaciers et la promotion qu'il fit de sa région en font un des pères fondateur du Pyrénéisme.

Parmi l'importante correspondance échangée entre François Jacques Antoine Mathieu et Louis-François Ramond, seules, seize lettres datées de 1777 à 1780, ont été conservées.

Louis-François Ramond de Carbonnières
[1755-1827]

Après la chute de Maximilien Robespierre, le 9 thermidor An II (27 juillet 1794), François Jacques Antoine Mathieu reparut et rentra dans le corps diplomatique. Il fut employé au ministère de la guerre jusqu'en 1796, et le 19 messidor An IV (7 juillet 1796) fut nommé au ministère des relations extérieures comme sous-directeur de la première division qui s'occupait des rapports avec les pays germaniques et nordiques.

Puis en 1803, il fut nommé conseiller de légation de France près la Diète germanique, et publiciste du ministère jusqu'au 17 thermidor An XIII (5 août 1805). Pendant tout le temps que Mathieu fut attaché au ministère, il soutint avec force et habileté les doctrines du droit des gens contre les maximes fiscales du Directoire, et même, sous le Consulat, sa fermeté ne céda jamais. Souvent le ministre adoucissait, ou supprimait ce qu'il y avait de trop incisif dans ses rapports, lorsqu'ils devaient être mis sous les yeux du pouvoir.

Ses connaissances qu'il possédait dans le droit public germanique avaient d'abord fait songer à lui pour le travail qui devait assurer l'exécution des articles des traités de Campo-Formio et de Lunéville, relatifs à la cession de la rive gauche du Rhin à la France.

Mais l'inflexibilité de son caractère et la sévérité de ses principes en matières de droit public, firent hésiter entre d'autres diplomates et lui. On s'adressa à Antoine Bernard Caillard [1737-1807], ancien ministre plénipotentiaire près la Diète, à l'Alsacien Henry Charles Rosenstiel [1751-1825], qui avait été secrétaire de légation du plénipotentiaire français au congrès de Rastadt, et au savant Christian Friedrich Pfeffel [1726-1807], auteur de l'Histoire du droit public d'Allemagne, qui revenait de l'émigration.

Pfeffel refusa de concourir à la démolition de l'empire germanique, les plans des deux autres furent jugés inexécutables.

Christian Friedrich Pfeffel [1726-1807]

On fut obligé de revenir à François Jacques Antoine Mathieu, qui présenta deux projets. Dans le premier projet, Mathieu proposait le rétablissement du royaume de Pologne en faveur des princes de la maison de Bourbon. On ignore si le rejet de cette proposition fut le fait du Premier consul ou de son nouvel allié. Le dernier fut adopté par le Premier consul, et plusieurs de ses dispositions furent converties en stipulations dans une convention conclue entre la France et la Russie, à la suite de conférences qu'eurent, en présence de Mathieu, le ministre Talleyrand [1754-1838] et le comte Arcadi Ivanowitch Markoff [1747-1827], ambassadeur du tsar Alexandre 1er.

Mathieu fut envoyé à Ratisbonne comme conseiller de légation et fut attaché au plénipotentiaire français qui devait, conjointement avec les plénipotentiaires russes, diriger, comme médiateur, les délibérations de la Diète germanique, pour la cession de la rive gauche du Rhin et le règlement des indemnités des princes que cette cession dépossédait.

On peut donc regarder le deuxième projet rédigé par François Jacques Antoine Mathieu comme ayant été en grande partie la base du recès du 25 février 1803.

Première page du Recès de la Diète d'Empire
du 25 février 1803

Accusé de trop de complaisances pour les princes possessionnés dans les négociations avec ceux-ci dont il était chargé, François Jacques Antoine Mathieu fut destitué par Bonaparte le 17 thermidor An XIII (5 août 1805).

Propriétaire depuis 1802, du château d'Oberbronn, situé dans un charmant petit village en bordure de forêt et collé au flanc des premiers contreforts des Vosges gréseuses ;  récemment nommé nommé chevalier de la Légion d'honneur, le 14 juin 1804, il décide le 5 brumaire An XIII (27 octobre 1804) d'acquérir à Jean Albert Frédéric de Dietrich [1773-1806], petit-fils de Philippe Frédéric de Dietrich, premier maire de Strasbourg, le château et le parc de Reichshofen, non loin de là dans le canton de Niederbronn.

Vue du château d'Oberbronn

Vue du château de Reichshofen

Deux ans plus tard, en 1806, alors âgé de cinquante et un ans, il se marie avec Amélie Marie Zéphirine Lambot de Fougères. Née vers 1782, elle était la fille de René Lambot [1734-1802], secrétaire du Roi et de Renée Claude Coupdelance de la Rouverelle.

Le 7 juillet 1806, les deux soupirants passent un contrat de mariage devant Me Bonnomet, notaire à Paris.

Amélie Marie Zéphirine Lambot de Fougères, décédera le 20 mars 1854 à Paris (1er arr.) à l'âge de 72 ans.

Elle mettra au monde deux filles. La première, Amélie Marie Marguerite Mathieu de Reichshofen, née le 20 mars 1815 à Paris, épousa le 26 avril 1837, dans cette même ville, Félix Guillaume Merlin d'Estreux, baron de Maingoval.

Ce dernier, né à Douai, le 31 décembre 1803 et décédé au château de Glaignes (Oise) le 21 juillet 1889, était le fils de Louis Merlin d'Estreux [1753-1824], militaire fait baron d'Empire, sous le nom de baron de Maingoval.

Félix Guillaume Merlin d'Estreux, fut officier des Hussard de la Garde royale, maire de Douchy et député du Nord (1842 à 1848).

Amélie Marie Marguerite décède le 23 août 1887 à Paris (8e arr.).

Félix Guillaume Merlin d'Estreux
baron de Maingoval [1803-1889]
(photo P.H. Lefebvre)

Signature d'Amélie Marie Marguerite Mathieu de Reichshofen, baronne de Maingoval

La cadette, Julie Marie Zéphirine Mathieu de Reichshofen, née à Paris le 20 mars 1818, épousa en première noce le 11 septembre 1843 à Paris (1er arr.), Napoléon Marie Charles Roullet de la Bouillerie [16 février 1812, Paris (2e arr.) - + Fougères sur Bièvre, 4 octobre 1843], et en seconde noce, le 23 février 1854 à Paris, Louis Auguste Marie de Tulle de Villefranche, attaché d'ambassade [Paris, 25 février 1823 - + 29 juillet 1881].
Elle décède à Bordeaux, le 23 janvier 1880.

En 1807, François Jacques Antoine Mathieu décide d'apporter des transformations à son château de Reichshofen.

Il fit faire par un architecte du nom de Weber, d'importants travaux parmi lesquels on notera la démolition du bâtiment d'entrée et son remplacement par les deux balcons placés en extrémités des ailes, la couverture par une terrasse de l'aile ouest, avec la grille au chiffre M = Mathieu, et enfin de petites transformations intérieures.

Mais, dès le 21 mai 1811, François Jacques Antoine Mathieu revendit le château au mari de sa belle-soeur, le vicomte Athanase-Paul Renoüard de Bussièrre [1776-1848], gentilhomme berrichon, député du Bas-Rhin, établit banquier à Strasbourg depuis son mariage en 1801, avec Frédérique Wilhelmine de Franck [1777-1854].

Athanase-Paul Renoüard de Bussièrre
[1776-1848]

Le 19 mars 1817, il signe à la mairie du Xe arrondissement de Paris, la formule du serment de la Légion d'honneur et déclare : -"Je jure d'être fidèle au Roi, à l'honneur et à la Patrie ; de révéler à l'instant tout ce qui pourrait venir à ma connaissance, et qui serait contraire au service de Sa Majesté, et au bien de l'État ; de ne prendre aucun service et de ne recevoir aucune pension ni traitement d'un prince étranger, sans le consentement exprès de Sa Majesté, d'observer les lois, ordonnances et règlements, et généralement faire tout ce qui est du devoir d'un brave et loyal Chevalier de la Légion d'honneur".

C'est le 11 avril 1817, que François Jacques Antoine Mathieu de Reichshofen, achète le château des Ambésis, situé sur la commune du Mesnil-Saint-Denis, au hameau de ce nom, à Jean-Baptiste Loubradou de la Perrière et à Marie Catherine Jubault son épouse, moyennant la somme de 60.000 francs.

Il demeure alors au 3 quai Malaquai à Paris, et est séparé de biens d'avec son épouse Amélie Lambot, après délibérations du conseil de famille tenu devant le juge de paix du 1er arrondissement de Paris, les 1er octobre 1811 et 9 juin 1812 et deux jugements du tribunal de première instance de la Seine, des 22 novembre 1811 et 29 juin 1812.

Château des Ambésis - Le Mesnil-Saint-Denis 

Le domaine des Grands-Ambésis comprenait alors : "une maison bourgeoise composée de différents corps de bâtiments et pavillons, logement de jardinier, remise, écurie, grange, serre et autres accessoires, cour, basse cour et jardin d'agrément, fruitier ou potager, plus un autre jardin planté d'arbres et terre labourable au pourtour, entourée de palis, avec deux pièces d'eau dans cette enceinte, le tout contenant ensemble environ deux hectares vingt deux ares huit centiares" ; "une avenue de tilleuls et autres arbres, au devant de la grille de la dite maison et gagnant la route, avec haie vive de chaque côté des allées, et demi-lune" ; "une autre petite maison, située près de la dite avenue" ; "un corps de ferme, avec tous les bâtiments en dépendants, pressoir, cour et jardin" et enfin ses "terres labourables, prés, pâtures, bois, vigne, friches...", comme l'indique l'acte de vente dressé devant Me Gillet, notaire à Paris.

On retrouve encore souvent le nom de François Jacques Antoine Mathieu de Reichshofen dans les actes notariés passés à l'étude de Me Delassard, notaire au Mesnil-Saint-Denis. Tel cet échange de terres, d'une contenance de cinquante cinq ares quatre vingt treize centiares situées aux Petits-Ambésis, qu'il signa le 19 juillet 1820, contrat enregistré à Chevreuse le 1er août de cette même année.

Trois années plus tard, François Jacques Antoine Mathieu de Reichshofen, meurt à Toulouse, au n°7 de la rue des Amidonniers, où il demeurait momentanément, le 8 octobre 1825, âgé de 70 ans.

Le mercredi 1er février 1826, il sera procédé à la vente des objets composant le cabinet de feu M. Mathieu de Reichshofen. Cette vente eut lieu en son hôtel, 12 rue de Tournon, faubourg Saint-Germain.

Le catalogue publié par MM. Petit et Charles Paillet, commissaires-priseurs, nous permet de découvrir la précieuse collection de tableaux hollandais, flamands et français, avec les dessins, gouaches et estampes acquis par Mathieu de Reichshofen, ainsi que les bronzes, tabatières, marbres, meubles Boule et autres objets d'arts garnissant son cabinet.

Ainsi, nous pouvons relever dans cette collection les oeuvres suivantes : La dame de Charité de J-B Greuze ; La boudinière de David Teniers ; La Leçon de flageolet de Teniers ; L'alchimiste de Cornelis Bega ; Figure de femme de Angelica Kauffman ; Vénus désarmant l'Amour de M. Mérimée ; Jeune villageoise de Nicolas Berghem ; Portrait d'une princesse de la maison de Lorraine de Franz Pourbus ; Marchande de légumes de Hendrick Mommers ; Buste d'un vieillard tête nue et chevelure bouclée de Rembrandt ; Marine de Joseph Vernet ; Saint Jean assis tenant son mouton près de lui de Murillo ; Vue d'Harlem de Gerard Berkeyden ; Portrait de femme de Le Parmesan ; Deux villageois des environs de Rome de Hortense Haudecourt-Lescot ; divers dessins de Bartolomeo Pinelli dont La danse de la Saltarella ; Trois athlètes couronnés par la Victoire et Andromaque et son fils Astyanax, dessins à la plume de Jacques-Louis David ; divers bronzes L'Apollon du Belvédère, l'Hercule Farnèse, Jupiter et Ganymède, Voltaire et Rousseau, l'Enfant à la cage de Pigalle ; une tabatière en écaille doublée en or avec le portrait de Madame de Fontanges, et plusieurs meubles de Boule avec marqueterie.

Saint Jean assis tenant son mouton près de lui - Murillo

La dame de Charité -  J-B Greuze

L'alchimiste - Cornelis Bega

La Boudinière - David Teniers

l'Enfant à la cage - Pigalle

La Leçon de flageolet - Teniers

Quant aux livres de sa bibliothèques renfermant de beaux classiques grecs et latins, de grands ouvrages à figures, atlas et cartes géographiques, ils furent mis en vente le 9 février suivant.

Voici ce que nous pouvions dire sur cet homme de beaucoup d'esprit. Nous ajouterons encore qu'il avait une prodigieuse instruction en droit public, en histoire, en chronologie, et qu'il était même versé dans les hautes mathématiques et l'astronomie.

François Jacques Antoine Mathieu de Reichshofen était issu d'une famille particulièrement nombreuse de treize enfants. Il avait six frères et six soeurs.
L'aîné Pierre François Mathieu de Faviers, est né à Strasbourg le 7 septembre 1751, mais il décède deux jours plus tard. Puis vinrent successivement :

- Jeanne Élisabeth Mathieu de Faviers, née à Strasbourg le 17 juillet 1752. Elle se mariera par deux fois : 1- le 24 mai 1772 à Strasbourg à Jean-Baptiste Reys, bailli à Obernai ; 2- le 16 janvier 1786 à Strasbourg à Antoine Xavier de Nadal, colonel d'artillerie.

- Jean-Michel Mathieu de Faviers, né à Strasbourg le 12 novembre 1753, décédé à Strasbourg, le 20 novembre 1841.
Il fut secrétaire au Conseil des XIII, avocat général de Strasbourg, procureur syndic en 1790, maire de Strasbourg pendant trois semaines en 1795, puis maire de 1800 à 1802, député du Bas-Rhin de 1804 à 1815, conseiller à la cour royale de Colmar, chevalier de la Légion d'honneur.
Il se marie le 23 février 1784 à Strasbourg avec Marie Françoise Olinet, dont il aura trois enfants.

- Bernard François Xavier Mathieu de Faviers, né à Strasbourg le 3 décembre 1755, décédé dans cette même ville, le 27 février 1756.

- Françoise Hélène Mathieu de Faviers, née à Strasbourg le 20 avril 1757, décédée le 14 octobre 1840 à Montaud (Loire). Elle est inhumée au cimetière du Crêt-de-Roc à Saint-Étienne.
Elle épousa à Mietau en Courlande, le 21 juillet 1787, Pierre Jean Massenet [1748-1824], professeur d'histoire à l'Académie  de Strasbourg.
Par son fils, Alexis Massenet [1788-1863], industriel, elle deviendra la grand-mère du compositeur lyrique Jules Massenet [1842-1912].
La journaliste, animatrice de télévision et de radio, Ariane Massenet est l'arrière-arrière-arrière-petite nièce du compositeur.

       

Alexis Massenet [1788-1863] et Jules Massenet [1842-1912]

- Catherine Élisabeth Mathieu de Faviers, née à Strasbourg le 23 février 1759, décédée dans cette même ville le 10 octobre 1761.

- Marie Antoinette Mathieu de Faviers, née à Strasbourg le 1er mai 1760, décédée le 29 janvier 1825.
Elle se marie le 24 mars 1783 à Villeneuve-sur-Yonne, paroisse Saint-Nicolas, avec Jean-Pierre Gau de Vaumorin [1751-1832], commissaire de la préfecture du Bas-Rhin, receveur des finances à Landau, dont elle divorcera le 1er germinal An VIII à Strasbourg.

- Philippe Gaétan Mathieu de Faviers, né à Strasbourg le 10 décembre 1761, décédé à Paris le 29 mars 1833.
Intendant militaire, il fit la campagne d'Austerlitz après laquelle il fut fait officier de la Légion d'honneur (2 déc.1805), puis celle de Prusse (1806). Après la bataille d'Eylau sur les Russes (7 et 8 février 1807), l'Empereur le chargea de l'importante et difficile mission de faire vivre la Grande armée avec les seules ressources des magasins d'Elbing et de l'île de la Nogat. Il reçut, en témoignage de satisfaction, le titre d'ordonnateur en chef de la Grande Armée, ainsi que le cordon de commandeur de la Légion d'honneur. La paix de Tilsitt (9 juillet 1807) le fit passer en Espagne en qualité d'intendant général de l'armée du Midi, où il y restera jusqu'en 1813. Nommé chevalier de Saint-Louis en 1814, il sera élu député du Bas-Rhin de 1815 à 1816. Il siégea dans la minorité de la chambre introuvable (22 août 1815), et fut créé baron le 24 décembre 1817. Il prit alors sa retraite. Le gouvernement de Juillet l'éleva à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur et le fit pair de France.
Il se marie à Strasbourg le 14 prairial An VI (2 juin 1798) à Élisabeth Caroline Franck [1775-1835] dont il eut quatre enfants : Caroline Eugénie [1799-1818] ; Jacques Édouard [1802-1866] ; Stanislas Félix [1807-1894] et Henriette Françoise (Fanny) [1801-1881], qui deviendra la marquise de Montigny-Jaucourt et dont nous conservons le portrait.

     

Philippe Gaétan Mathieu de Faviers [1761-1833]
 par Vicente López y Portaña

Henriette Françoise Mathieu de Faviers [1801-1881]
marquise de Montigny-Jaucourt

Philippe Gaétan Mathieu de Faviers [1761-1833]
d'après une miniature communiquée par son fils

Philippe Gaétan Mathieu de Faviers était le beau-frère de Alexandre-Paul Renoüard de Bussièrre [1777-1854], banquier et député du Bas-Rhin, dont nous avons déjà parlé ici.

Le 11 avril 1837 eut lieu la vente des tableaux constituant la collection du baron Mathieu de Faviers. Ce fut l'une des deux ventes les plus importantes de tableaux espagnols réalisées sous le règne de Louis-Philippe. Parmi les grands maîtres de l'école espagnole, on notera huit chef-d'oeuvres de Bartolomé Esteban Murillo : une Sainte Famille ; La Vierge et l'Enfant posé sur ses genoux ; Assomption de la Vierge ; Portrait d'Ambroise Ignace Spinola ; La Vierge tenant l'Enfant dans ses bras ; Le Printemps ; L'Été ; Le Pape Benoit. Mais aussi La Vierge et l'Enfant Jésus de Bernardino Luini ; le Pape Grégoire VII de Le Guerchin ; Fleurs et fruits de Margaretta Kavermann ; la Mise au tombeau de Daniela de Volterra ; la Mort de Jésus-Christ de Augustin Carrache ; l'Adoration des Mages de Paul Véronèse ; l'Ange Raphaël conduisant Tobie de Raphaël, etc...

             

Le Printemps et l'Été - Bartolomé Esteban Murillo

- François Xavier Mathieu de Faviers, né à Strasbourg le 15 octobre 1764.

- Adrienne Hortense Éléonore Mathieu de Faviers, née à Strasbourg le 18 février 1767, mariée le 19 floréal An V (8 mai 1797) à Strasbourg avec Michel Thomassin [1748-1821], directeur de l'enregistrement et des domaines nationaux du département du Bas-Rhin, veuf de Thérèse Lohmeyer. Une fille sera issue de cette union.

- Louis Benoît Mathieu de Faviers, né à Strasbourg le 24 janvier 1770, décédé le 23 juillet 1842 à Niederbronn. Il entre dans la carrière militaire le 1er octobre 1791 comme sous-lieutenant au 1er bataillon de Volontaires du Bas-Rhin, nommé lieutenant-quartier-maître deux jours plus tard. Il fait les campagnes de 1792 dans l'armée du Nord et dans l'armée de Mayence en 1793. Il est promu capitaine le 22 mai 1793, et fait les campagnes de l'An II à l'An IV dans les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, de l'An V dans l'armée du Bas-Rhin et du Danube. Il est alors nommé chef de bataillon par le général en chef Masséna, le 14 brumaire An VIII (5 novembre 1799), et intègre la 7e demi-brigade d'infanterie de ligne le 1er brumaire An IX (23 août 1800). Puis il embarque pour Saint-Domingue le 21 frimaire An X (12 décembre 1801). Fait prisonnier, puis libéré le 16 messidor An XII (5 juillet 1804), il obtient son congé de réforme.
Rappelé comme commandant de la 2e cohorte de la Garde nationale du Bas-Rhin (1805), il est nommé aide de camp du général Kellermann, le 1er novembre 1806. Promu major du 33e régiment d'infanterie de ligne le 28 octobre 1808, il fera avec la Grande Armée la campagne de 1809 en Autriche et sera décoré de l'ordre de la Légion d'honneur le 11 septembre 1809. Sa carrière se poursuit au 153e régiment d'infanterie de ligne où il est nommé colonel le 16 janvier 1813, cinq mois plus tard il promu officier de la Légion d'honneur le 18 juin. Décoré de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis le 29 janvier 1815, il est affecté à l'état-major de la place de Strasbourg le 24 mai suivant. Aux cours des Cent-Jours, il sera nommé commandant d'arme par intérim de cette place (9 septembre 1815). Après une brillante carrière, il prend sa retraite en avril 1822.
Il s'était marié avec la baronne Auguste d'Esebeck, née en 1775, fille d'Évrard d'Esebeck, de Deux-Ponts [1740-1817], maréchal de camp, et de Catherine, comtesse de Luxbourg.

- Rosalie Élisabeth Josepha Mathieu de Faviers, née à Strasbourg le 3 mars 1771.

Vue du village de Reichshofen et du château

François Jacques Antoine Mathieu de Reichshofen avait un oncle, du côté paternel, qui s'appelait Alexandre André Mathieu, dit de Heildolsheim [1713-1755]. Ce dernier était avocat à Colmar. De son union avec Marie Anne Karcher, il eut deux fils. Le premier Joseph Ignace Mathieu de Heidolsheim, né le 31 juillet 1754 à Schlestadt (Sélestat), décédé à Paris le 25 juin 1833, fut baron d'Empire, avocat au Parlement de Nancy, notaire à Paris et maire de Saint-Forget (Yvelines), où il acheta, en 1805, le château de Mauvières situé à quelques kilomètres du Mesnil-Saint-Denis.
C'est lui qui fut chargé de la tutelle du comte Léon, fils naturel de l'Empereur et de Éléonore Denuelle de la Plaigne.

Le cadet, nommé Michel Léonard Mathieu de Heidolsheim, né à Colmar le 22 janvier 1747, décédé à Heildolsheim le 8 février 1811, fut avocat au conseil souverain d'Alsace, membre du conseil royal et conseiller à la cour d'appel de Colmar.

Il s'unit, le 11 juillet 1775, à Strasbourg à Marie-Françoise Zaepffel [1755-1842].

De cette union naquirent sept enfants dont Laurent Donat Mathias Mathieu Saint-Laurent [1787-1868], notaire, ancien président de la Chambre des notaires, qui sera l'arrière arrière grand-père d'un couturier, ô combien célèbre : Yves Henri Donat Mathieu Saint-Laurent dit Yves Saint-Laurent [1936-2008].

Yves Saint-Laurent [1936-2008]

C'est ainsi que s'achève l'histoire de cette famille alsacienne installée dans notre commune sous la Seconde Restauration.
© Olivier FAUVEAU - 2013

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