Jean-Louis François du Rieu du Fargis, roué favori du Régent

ou le libertin des Soupers du Palais-Royal

 

 

     

     
     

Jean-Louis François du Rieu, seigneur du Fargis et comte du Mesnil-Habert, chevalier de la croix de Saint-Louis, naquit le 30 août 1682, de l’union entre Bernard del Rieu [1626-1702], seigneur du Fargis, de Blanville, de la baronnie de Saint-Michel de Lannes, conseiller, maître de la chambre aux deniers, secrétaire et maître d’hôtel ordinaire du Roi,  et Claude Magdeleine Habert de Montmor [1657-1713], fille d’Henri-Louis Habert de Montmor et de Henriette de Buade de Frontenac.

Il portait pour armes « d’Argent à trois fasces ondées d’azur, au chef de gueules, chargé de trois fleurs de lis d’or ».

En 1698, il entre dans les Mousquetaires, où il ne tarde pas à être nommé lieutenant, puis capitaine d’infanterie dans le régiment du Roi.

A 28 ans, le 8 janvier 1710, il fut nommé chambellan de Son Altesse Royale le duc d’Orléans, sur la démission de Michel de Conflans, marquis d’Armentières.

Le 24 février 1716, le roi Louis XV, sous la régence de Philippe d’Orléans, en considération de services rendus, lui donna, le grade de capitaine-lieutenant des chevau-légers de la Reine en remplacement de M. de Buzenval (achat de la charge pour la somme de 40.000 écus).

 

Ce beau portrait d'un gentilhomme
peint en 1720 par Jean-Baptiste Oudry représenterait-il
Jean-Louis du Rieu du Fargis ?

     

 

 Signature de Jean-Louis du Rieu du Fargis

 
     
La sixième compagnie dite des chevau-légers de la Reine, était un corps de cavalerie légère qui fut créé pour Marie-Thérèse d’Autriche le 13 juin 1661.

On lui avait donné le nom de chevau-légers parce qu’il était armé plus légèrement que les autres corps de cavalerie.

Son entrée était réservée à des nobles, qui par la suite pouvaient occuper des grades d'officiers dans les régiments ordinaires de l'armée.

Ils portaient un uniforme rouge ponceau galonné d’or.

     

Deux années plus tard, le 18 août 1718, son oncle Jean-Louis Habert de Montmor, intendant général des armées navales de France, devenu impotent, souffrant de la goutte, se voit par sentence du Châtelet de Paris interdit de sa personne et de ses biens.

Sans héritier direct d’avec son épouse Gabrielle de La Reynie la fille du célèbre intendant général de police, c’est alors Jean-Louis François du Rieu du Fargis, qui fut nommé curateur de son oncle.

Le 22 octobre suivant, les offices dont ce dernier était pourvu furent vendus pour 110.000 livres à Jean Parisot, seigneur de Crugey et de Bouhey, conseiller du roi, avocat au parlement de Bourgogne ; il en fut de même pour le mobilier du château du Mesnil-Saint-Denis pour une somme d’environ 80.000 livres afin d’acquitter les nombreuses dettes laissées par Jean-Louis Habert de Montmor.

     

C’est durant cette époque que Jean-Louis du Rieu du Fargis, devient l’un des favoris du Régent et  l’un de ceux que l’on nommait « les Roués ».

     

Il est alors réputé pour être un des roués les plus cyniques de ces galants soupers du Palais-Royal, et où chacun avait un surnom plus que familier.

Jean-Louis du Rieu du Fargis répondait dans le monde du plaisir à celui de l’Escarpin ou encore le Beau Fargis.

Il avait un rôle « qui tenait à la fois de courtisan, du fou royal, et du proxénète ».

     

Et c’est tout naturellement lors d’une fête galante donnée au Palais Royal le mercredi 30 juillet 1721, que Jean-Louis du Rieu du Fargis, dans l’éblouissement de cette illumination féerique, dans l’enivrement de la musique et des vers, fit la rencontre de Madame du Deffand, ancienne maîtresse du Régent.

Voici ce que Mathieu Marais [1664-1737] chroniqueur naïf et salé de la Régence, avocat au Parlement de Paris, nous raconte dans son Journal à la date du 7 septembre 1722, à propos de cette rencontre.  

Parlant de Mme du Deffand, il nous dit :

- « Son mari l’a renvoyée, il n’a pu souffrir d’avantage ses galanteries avec Fargis, autrement Delrieu, fils du partisan Delrieu, dont on disait qu’il avait tant volé qu’il en avait perdu une aile. Voilà les gens qui ont les faveurs de la cour et nos rentes. Fargis est un des premiers courtisans du Régent et est de ses débauches ».

   

Marie de Vichy-Chamrond, marquise du Deffand
[1697-1780]

     

Nous trouvons encore quelques détails sur Monsieur du Fargis dans le Recueil des Chansons de Pierre Clairambaut Maurepas [1651-1740], et dans les Correspondances manuscrites du temps comme celles de Mme du Deffand, où selon les annotations du moraliste Mathurin de Lescure [1833-1892]  «… ce dernier n’a point d’autre histoire que celle de la médisance et de la frivolité. Une satire de salon, un procès pour son nom, qui du scandale tombe dans le ridicule, les vicissitudes étranges d’une faveur qui va jusqu’à être de toutes les parties du Régent, et malgré l’obstacle d’une basse origine, le confident, et comme qui dirait le chambellan de ses débauches ; faveur suivie de disgrâces qui ne vont à rien moins qu’à être jeté dehors par les épaules…».

     

On peut encore lire dans l’ouvrage « Chansonnier historique du XVIIIe siècle» d’Emile Raunié publié en 1880 cette satire où apparaît dans les vers de cette chanson  le nom de Jean-Louis du Rieu du Fargis :

     

 

   Les Favoris du Régent  

Quel spectacle étonnant se présente à mes yeux ?
Je vois le Régent de la France
Ne s’occuper que des bals et de danse.
Et sans cesse avilir son rang et ses aïeux.
Cet esprit qu’on croyait sublime,
Dont les projets étaient si beaux
Pour nous donner le repos,
Va nous replonger dans l’abîme !
Il a pour se combler de gloire
Choisi d’illustres favoris,
Simonnet, Noailles et Du Fargis ;
C’est un beau trait pour son histoire.
Saint-Simon fier de son rang
Ne s’occupe que de son titre ;
Il est fripon, poltron, bélître,
Aussi sort-il d’un vilain sang.
Mais ici changeons de langage,
Je vais parler d’un demi-dieu.
Les héros de son nom sont connus en tous lieux ;
N’ont-ils pas sur le Ter signalé leur courage ?
Ce digne rejeton d’une si noble race,
Plein d’orgueil et de vanité,
Se croit plus de capacité
Qu’il n’en faut pour remplir sa place.
Ce ministre impudent déshonore son maître,
Il le baise amoureusement !
Judas baisa Jésus et ce fut autrement ;
Cependant celui-ci nous paraît aussi traite.
Je connais peu ce Du Fargis,
On nous dit qu’il est honnête homme,
Il n’est pas de l’ancienne Rome,
Il n’aurait point été d’Auguste favori.

                                       Clairambault-Maurepas - 1716

 
 

 

 

Son idylle avec Madame du Deffand prendra fin vers l’année 1728, la marquise étant alors lasse du Beau Fargis.

     

    Les soupers du Régent

     

D’après Saint-Simon [1675-1755] : - « les soupers du Régent étaient toujours avec des compagnies fort étranges, avec ses maîtresses, quelques fois des filles de l’Opéra, souvent avec la duchesse de Berry, quelques dames de moyennes vertu et quelques gens sans nom, mais brillant par leur esprit et leur débauche. La chère exquise s’apprêtait dans des endroits faits exprès, de plain-pied, dont tous les ustensiles étaient d’argent ; eux-mêmes mettaient souvent la main à l’œuvre avec les cuisiniers. C’était en ces séances où chacun était repassé, les ministres et les familiers tout au moins comme les autres, avec une liberté qui était licence effrénée. Les galanteries passées et présentes de la cour et de la ville sans ménagement ; les vieux contes, les disputes, les plaisanteries, les ridicules, rien ni personne n’était épargné. M. le duc d’Orléans y tenait son coin comme les autres, mais il est vrai que très rarement tous ces propos lui faisaient-ils la moindre impression. On buvait beaucoup et du meilleur vin ; on s’échauffait, on disait des ordures à gorge déployée, des impiétés à qui mieux mieux, et quand on avait fait du bruit et qu’on était bien ivre, on s’allait coucher et on recommençait le lendemain. Du moment que l’heure venait de l’arrivée des soupeurs, tous était tellement barricadé au dehors que quelque affaire qu’il eût pu survenir, il était inutile de tâcher de percer jusqu’au Régent. Je ne dis pas seulement des affaires inopinées des particuliers, mais de celles qui auraient le plus dangereusement intéressé l’Etat ou sa personne, et cette clôture durait jusqu’au lendemain matin ».

     
 

 
 

La Carrière du Roué, L'Orgie
William Hogarth  [1697-1764]

 
     

Les soupers du Palais Royal devinrent une école de libertinage où le neveu de Louis XIV, Philippe d’Orléans, Régent de France, réunissait ses amis et amies, ses compagnons de débauche, qu’il appelait ses roués, à toutes les orgies et au dévergondage le plus inouï.

Ils se restreignaient à une vingtaine de personnes triées sur le volet.

Les « Roués » se rendaient vers vingt et une heures au Palais Royal et se retrouvaient tous pour souper, jouer, boire, on y faisait des mots, on y discutait sur Dieu et sur la religion, on plaisantait sur la sainte mère l’Eglise, et l’on assaisonnait le repas des nouvelles les plus joyeuses et les plus divertissantes de la ville.

Au nombre des Roués, qui étaient tous des gentilshommes d’excellentes compagnies, spirituels et gais, dévoués de cœur et d’épée au Régent, nous citerons :

 

 

Philippe-Charles, marquis de La Fare
[1687-1752]

l’abbé de Grancey (Hardouin Roussel de Medavi de Grancey)
[1655-1706]

Charles Armand de Gontaut, marquis puis duc de Biron
 [1663-1756]

     

Philippe-Charles, marquis de La Fare [1687-1752] maréchal de France, capitaine des gardes du Duc d’Orléans en 1712, lieutenant général du Languedoc en 1718, surnommé « Bon enfant « ou « le Poupart » ; l’abbé de Grancey (Hardouin Roussel de Medavi de Grancey) [1655-1706] docteur en médecine, premier aumônier du duc d’Orléans ; Scipion Sidoine, marquis de Polignac [1682-1755] lieutenant général, fils du marquis de Listenois ; Louis de Brancas, duc de Villars [1663-1739] Pair de France, colonel du régiment de Luxembourg. Très aimé du Régent, surnommé « caillette gaie », il se retira en 1721 dans l’abbaye du Bec en Normandie où il devint un fervent janséniste ; le comte Charles de Nocé [1664-1739] seigneur de Fontenay, premier gentilhomme de la Chambre du duc d’Orléans. Son surnom était Braquemardus de Nocendo  ou le méchant et l’impertinent. Le Régent l’appelait quelques fois son « beau-frère » parce qu’il passait pour être aimé de Madame de Parabère, maîtresse du Prince ;  le marquis Charles Guillaume de Broglie [1668-1751], maréchal de France, gendre du chancelier Daniel François Voysin de la Noiraye,  s’appelait « Brouillon » ; Philippe de Montboissier Beaufort, marquis de Canillac [1669-1725] membre du Conseil de Régence, lieutenant général en bas Languedoc, membre des affaires étrangères, dit « caillette triste », François Antoine de Simiane d’Esparron [1674-1734], marquis de Simiane, premier gentilhomme de la chambre du duc d’Orléans, gendre de Mme de Grignan ; le duc Adrien Maurice de Noailles [1678-1766], marquis de Montclar, maréchal de France ; Philippe Alexandre chevalier de Conflans [1676-1744], premier gentilhomme de la chambre du duc d’Orléans, cousin et ami du Chancelier ; Louis Jacques Aimé Théodore de Dreux, marquis de Nancré [1660-1719] premier gentilhomme de la chambre du duc d’Orléans ; Charles Armand de Gontaut, marquis puis duc de Biron [1663-1756], Maréchal de France et Pair de France, premier gentilhomme de la chambre du duc d’Orléans ;  Pierre Gaspard de Clermont Gallerande ou d’Amboise dit le comte de Clermont [1682-1756], lieutenant général.

 

Adrien Maurice de Noailles [1678-1766]
marquis de Montclar, maréchal de France

 

Louis François Armand de Vignerot du Plessis
 duc de Richelieu  [1696-1788]

     
A tous ces gentilshommes nous pourrions encore ajouter le marquis de Nesle, le marquis d’Effiat, Louis François Armand de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu …
     

Parmi les dames de la Cour citons tout d’abord les maîtresses en titre, convives perpétuelles du Palais-Royal :

     

Marie de Vichy-Champrond, Marquise du Deffand [1697-1780] – amie de Voltaire, intime de d’Alembert, de Fontenelle, Marivaux, Sedaine, Helvétius, de Julie de Lespinasse, de la duchesse de Luynes,  de l’architecte Soufflot, du sculpteur Falconnet, des peintres Van Loo et Vernet qui fréquentèrent son salon. Célèbre par sa beauté et son esprit, d’une morale peu sévère, elle se voit bientôt entourée d'adorateurs ; elle a dès lors de nombreuses liaisons et mena une vie assez dissolue dans les salons de la Régence.

 

 

Louise Charlotte de Foix-Rabat
comtesse de Sabran et de Forcalquier
[1693-1768]

Marie Louise Élisabeth d'Orléans, duchesse de Berry
[1695-1719]

Marie Madeleine de la Vieuville, comtesse de Parabère
[1698/9-1723]

     

Louise-Charlotte de Foix-Rabat, plus connue sous le nom de Comtesse de Sabran. Elle naquit en 1693 et fut mariée le 15 juillet 1714 à Jean-Honoré de Sabran, chambellan du Duc d’Orléans sous la Régence. Célèbre par sa grâce et son esprit et sa beauté, le Régent la remarque et en fait sa maîtresse. Aux soupers du Palais-Royal, on la surnomme l’Aloyau. Elle fit partie de cette société des Dames qui avait entrepris de divertir le Duc d’Orléans. Elle deviendra la maîtresse de Jean-Louis du Rieu du Fargis.

Marie Madeleine de la Vieuville, maîtresse du Régent sous le nom de Comtesse de Parabère
, son surnom est Corbeau noir ou le Gigot . Née en 1698 ou 1699, avait épousé en 1713 le marquis de Parabère, déjà fort âgé, qui la laissa veuve dès 1716. Après avoir longtemps captivé le cœur de Philippe d’Orléans, elle se retira tout à coup de la cour et du monde. Elle mourut au château de Sécherelles en 1723.

     

Sophie d’Averne fille de M. de Brégis, conseiller au Parlement, elle devient maîtresse du Régent en 1721 succédant à La Parabère.  Elle était la femme de Ferrand d’Averne, lieutenant aux Gardes, et  l’ancienne maîtresse du marquis d’Alincourt, second fils du duc de Villeroy.

Marie Thérèse Blonel d’Haraucourt duchesse de Fallary (Phalaris ou Falari) [1697-1782] dernière maîtresse du Régent. C’est dans les bras de cette jeune dauphinoise, que le Régent mourut d’apoplexie à Versailles le 2 décembre 1723.

     

Auprès de celles-ci l’ont pouvait y voir également  Françoise de Roquelaure, Princesse de Léon [1684-1741], madame de Gesvres digne femme du Gouverneur de Paris (elle fut également la maîtresse de Jean-Louis du Rieu du Fargis), madame de Pramnon, Marie Marguerite Rouxel de Médavy, marquise de Flavacourt [1679-1743] épouse du gouverneur de Gisors, madame de Sessac, madame du Brossay, madame de Verrue, mademoiselle de Portes, Claudine-Alexandrine Guérin, marquise de Tencin [1682-1749] femme de lettres et salonnière, mère de d’Alembert ;  madame de Mouchy, ou encore la propre fille du Régent, la duchesse de Berry baptisée par les Roués «  Joufflotte » à cause de son embonpoint [1695-1719]. Parmi ses habitués se mêlaient régulièrement des poètes, des philosophes, des gens d’esprits ou des filles d’opéra telles que Emilie Dupré, danseuse ;  La Souris, jeune choriste ainsi nommée à cause de sa taille svelte et fine, ou encore Mlle Florence et Mlle d’Uzée ballerines de l’Opéra.

     

Madame de Tencin [1682-1749]

Scène galante

Marie Marguerite Rouxel de Médavy
 marquise de Flavacourt [1679-1743]

     

Au cours d’un de ces fameux soupers du Palais-Royal, Jean-Louis du Rieu du Fargis fut témoin d’un événement singulier concernant le Régent. Ce dernier, revenant un soir du Luxembourg, en état de complète ivresse, partagea son carrosse avec le jeune marquis de La Fare, son capitaine des gardes, et M. du Fargis.

Au cours du trajet, le Régent s’assoupit pour cuver son vin, puis se réveilla et en s’adressant au marquis de la Fare lui fit cette demande pour le moins inattendue : -« La Fare, je te prie de me couper la main droite ». Troublé le jeune marquis refusa d’exécuter un tel ordre, et questionna son altesse sur cette étrange résolution.

 

 

 Philippe d'Orléans - le Régent - [1674-1723]

 
     

Le Régent lui répondit alors : -« Comment, ne sens-tu pas la puanteur qui sort de ma main, et qu’elle a contractée avec les femmes avec qui nous étions ? Je n’ai pu l’ôter, en me lavant même avec des odeurs, et ce mélange a produit un goût si pestilentiel, qu’il me fait un mal de tête horrible ; je ne veux pas le souffrir davantage ; coupe-moi la main ».

La Fare crut d’abord à une plaisanterie puis devant l’insistance du Régent, rétorqua qu’il ne sentait absolument rien, et le rassura en lui disant que cette odeur se dissiperait en dormant.

Enfin le carrosse arriva au Palais-Royal et le Régent accablé de sommeil alla se coucher et oublia la ridicule demande qu’il avait faite.

Jean-Louis du Rieu du Fargis, qui avait bien évidemment assisté à la scène, ne pus résister de la conter à sa maîtresse d’alors, la veuve duchesse de Gesvres, qui s’empressa de la redire encore à la Parabère qui reprocha alors au Régent l’état dans lequel il s’était mis. 

     
 

 
 

Philippe d'Orléans et Madame de Parabère en Minerve
Jean-Baptiste Santerre

 
     

L’ouvrage Pièces inédites sur les règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, dans lequel on trouve la chronique scandaleuse de la cour de Philippe d’Orléans, Régent de France, écrite par le duc de Richelieu nous livre encore quelques indices sur la personnalité de Jean-Louis du Rieu du Fargis : -«….lorsqu’il (le Régent) soupait au Palais-Royal, il l’invitait (Mme de Parabère) avec quelques autres femmes de moyenne vertu et de sa coterie, entre autres la duchesse douairière de Gesvres, alors maîtresse de Fargis, l’un des roués, jeune homme bien fait, de bonne mine et de manière agréables, qui disait le bon mot, et jouait très bien de la flûte …».  

     

Après ses aventures avec la duchesse de Gesvres, puis avec Marie de Vichy-Champrond, marquise du Deffand [1697-1780], Jean-Louis du Rieu du Fargis chercha et trouva dans Madame de Sabran (Louise Charlotte de Foix-Rabat, comtesse de Sabran et de Forcalquier [1693-1768]), une maîtresse qui eût moins de scrupules ou plutôt moins de caprices, et il noua avec cette femme originale, une liaison à laquelle il demeura fidèle jusqu’à sa mort.

     
 

 
 

Signature de Louise Charlotte de Foix Rabat, comtesse de Sabran
[1693-1768]

 
     

Dans son Journal et mémoires sur la Régence et le règne de Louis XV (1715-37),  Mathieu Marais nous rapporte à la date du 31 décembre 1721 une scène regrettable au Palais-Royal qui n’allait pas être sans conséquence pour Jean-Louis François du Rieu du Fargis.

Voici ce qui nous dit : -« Grande tracasserie dans les femmes du Palais-Royal. Madame de Brossay dit en soupant avec le Régent, et étant en joie : « M. le duc a donné la vérole à Mme de Prie, Mme de Prie l’a donnée à M. de Livry, M. de Livry l’a donnée à sa femme, sa femme l’a donnée à la Peyronnie et la Peyronnie les guérira tous ». M. du Fargis, qui était du souper, et qui n’aime point Mme du Brossay, à cause qu’elle a brouillé Mme du Deffand avec Mme d’Averne, a publié ce discours, dont tout le monde a été fâché, et il est disgracié du Régent. Il a fait une liste de 52 personnes qui ont eut Mme du Brossay. Le Régent l’a lue, il n’en a fait que rire, et voyant venir Nocé, lui dit : « Voilà, notre philosophe qui va faire quelque critique ». –« Cela peut-être, dit-il, voyons ». Il lit : « Il en faut mettre un cinquante troisième qui est moi ».

     

     

Toujours à propos de cet événement, citons les termes mêmes de la lettre qu’adressa Louis-François Lefebvre de Caumartin, marquis de Boissy [1665-1722] conseiller d’état, à sa sœur Madeleine-Charlotte Emilie Lefebvre de Caumartin, marquise de Balleroy [+ 1749] le 23 février 1722 :

               -« Il y a quelques jours, on a soupé au Palais-Royal. Mme des Brosses se lâcha : elle dit que Mme de Prie avoit donné la vérole à Livry ; Livry à sa femme, Mme de Livry à La Perronie ; que c’étoit à La Perronie à guérir toute la bande. Fargis, qui étoit du souper, ami de Livry, prit son parti ; la folle s’échauffa ; Fargis dit qu’elle devoit mieux traiter ceux qu’elle avoit honorés de sa faveur, comme Livry.
                Elle s’emporta ; Fargis lui dit qu’elle étoit en train de se lâcher sur ceux à qui elle avoit accordé ses bonnes grâces, puisqu’elle le traitoit si mal lui-même. Elle lui dit que, si elle s’étoit servie de lui, c’étoit comme d’un laquais ; il répondit que ni laquais ni palefrenier ne voudroit maintenant d’elle. Ils étoient en train et auroient encore bien mieux dit si le Régent n’avoit imposé silence.
               Cela revint à Livry, je ne sais par qui. Fargis prétend que ce ne fut pas par lui, qu’il le vint trouver et lui conta l’affaire mot pour mot, lui rendant mille grâces de ce qu’il avoit souffert vexations pour lui, et lui demanda si on lui avoit fait un fidèle rapport. Fargis en convint. Livry fit tapage à sa femme sur ce qu’elle couchoit avec La Perronie, que l’on ne parloit d’autre chose au Palais-Royal.
               Il se transporta de là chez la des Brosses, à qui il chanta pouille ; elle nia le fait : il cita Fargis. La des Brosses alla crier miséricorde à Mme d’Averne, à qui elle conta sa chance ; Mme d’Averne lui promit sa vengeance et qu’elle feroit chasser Fargis des soupers. Fargis avoit tort ; Mme des Brosses avoit aggravé. Mme d’Averne avoit renchéri sur tout cela. Elles vinrent toutes deux conter la chose au Régent et se plaindre vivement. Fargis entra un moment après ; les femmes répétoient ce qu’elles avoient dit au Régent. Il soutint qu’il n’avoit rien appris à Livry, qui savoit tout, mais qu’il n’avoit dit que telle ou telle chose qu’il répéta.
              M. le duc d’Orléans dit qu’il ne se souvenoit pas bien de ce qui avoit été dit ; que si Fargis avoit ajouté du sien, il devoit être exclu des soupers et de toute société comme calomniateur ; que quand même il n’auroit pas redit ce qui s’étoit dit , qu’il étoit las que le public sût tous les jours, ce qui s’étoit fait et dit chez lui.
              Sur cela, il mit Fargis dehors par les épaules. Ses adulateurs et M. de Vendôme à leur tête disent que les dames n’avoient pas dit ce que Fargis avouoit avoir dit à Livry. Le petit grand prieur, qui est un des plus honnêtes hommes du monde, dit qu’il étoit obligé de rendre justice et que les deux dames avoient dit tout ce que Fargis étoit convenu d’avoir dit ; que Fargis avoit tort de l’avoir avoué, mais qu’il étoit incapable de mentir, et que d’ailleurs, de si aimable société et si attaché au Régent, on devoit lui pardonner une faute dont il étoit inconsolable, du caractère dont il le connaissoit.
              Le Régent s’aperçut que pendant cette conversation la princesse de Rohan, qui y soupoit ce jour-là et qui n’y avoit pas été l’autre fois, pleuroit comme une Madeleine. Il lui demanda ce qu’elle avoit à pleurer et si elle aimoit tant Fargis ; elle répondit qu’elle n’aimoit que le Régent, qu’elle trouvoit Mme d’Averne la plus aimable femme du monde, mais qu’elle ne pouvoit s’empêcher de lui dire qu’elle faisoit chasser tous les amis du Régent ; qu’elle avoit fait chasser Broglie, Nocé et Lambert ; qu’aux premiers jours ou la ferait chasser elle-même ; que Fargis étoit incapable de faire des calomnies, qu’il avoit eu tort d’avouer à Livry ce qui lui étoit revenu ; que d’ailleurs elle auroit été très capable de tomber en pareille faute si son ami, instruit de ce qui avoit été dit sur son chapitre, lui eût demandé ce qui en étoit ; qu’elle savoit l’attachement qu’il avoit pour sa personne ; que peut-être il étoit allé se pendre ; qu’il étoit bien capable de le faire, se croyant privé des bonnes grâces de son maître et de l’honneur.
              Les deux dames crièrent comme des aigles que, s’il revenoit au souper, elles n’y mettroient plus les pieds ; elles disent qu’il n’étoit pas juste que les amis du Régent n’y vinssent plus à cause d’elles ; qu’elles le chargeroient de faire toute leur diligence pour faire revenir les trois amis exilés. Le Régent dit à Mme de Rohan qu’elle pouvoit mander à Fargis qu’il l’aimoit toujours, qu’il revint le lendemain à son lever et qu’il vouloit lui parler.
             Il y revint le lendemain. Le Régent lui parla avec bonté ; il lui dit qu’il lui pardonnoit de tout son cœur l’imprudence qu’il avoit commise en convenant du tout ; qu’il ne l’aimeroit pas moins ; qu’il lui feroit plus de bien que jamais, mais qu’il falloit bien contenter les dames et ne point d’ici à quelque temps venir souper avec elles ; que tout s’accommoderoit après. Mme d’Averne fit la diligence auprès de ces messieurs, qui sont revenus souper comme à l’ordinaire. Nocé a été un peu plus difficile : il a dit qu’il étoit engagé à huit soupers, qu’il a montrés écrits sur une carte. Il a promis après de revenir 
».  

           
     

Dès lors, en 1722, « à cause des tracasseries de la cour » selon les propres mots du duc de Richelieu, Monsieur du Fargis n’est plus provisoirement admis  aux soupers du Régent.

     

Les fêtes galantes et les réjouissances du Palais-Royal prendront fin peu de temps après, avec la mort soudaine du Régent en décembre 1723.

     

C’est en juin de cette même année qu’intervient en faveur de Jean-Louis du Rieu du Fargis, le changement de nom de la baronnie de Lévy en celui de Fargis-Pommeret.

     

Suite au décès de sa tante Gabrielle de La Reynie, morte le 22 octobre 1723 de la petite vérole, [Mathieu Marais dans son Journal de Paris nous dit à propos d’elle qu’elle « n’était plutôt une momie qu’une femme, elle n’a marché qu’à trente ans. M. de Montmor, maître des requêtes et intendant, qui l’avait épousée n’en avait jamais approché »], Jean-Louis François du Rieu, devient l’héritier de la seigneurie et du château du Mesnil-Saint-Denis qui restaient ainsi provisoirement dans la famille, par une transaction du 2 janvier 1724.

     
 

 
 

Château du Mesnil-Saint-Denis - dessin du XVIIIe siècle
Collection Hippolyte Destailleur  [1822-1893]

 
     

Par contrat du 6 février 1727, il vendit les bois des Cinq cent arpents, ceux des Laiez et de l’Etoile, à Mgr le comte de Toulouse, duc de Rambouillet, avec tout droit de justice et de seigneurie qui pouvait y appartenir. Dix ans plus tard, le 11 septembre 1737, il vendra au duc de Penthièvre, également duc de Rambouillet, la terre et la paroisse des Layes, dont dépendaient les 60 arpents du bois des Layes dans la mouvance du duc de Luynes à cause de son duché de Chevreuse-Montfort.

     
     L'affaire du Fargis
     

Et puis, il y eut ce procès pour changement de nom que l’on appela l’affaire du Fargis.

La Bruyère, dans ses Caractères, précise qu’au XVIIe siècle « certains gens portent trois noms » et que cette  multiplicité des noms introduit inévitablement alors quelque confusion dans les récits du temps. Ainsi, lorsque Bernard Delrieux, gentilhomme du Languedoc, père de Jean-Louis du Rieu du Fargis, vendit pour 100.000 écus à Daillé sa charge de maître de la chambre aux deniers pour acheter en 1688 sa charge de maître d’hôtel ordinaire du Roi, il modifia son nom par la suppression d’une syllabe et se fit nommer de Rieux, rappelant alors le maréchal de Rieux, issu de l’une des plus anciennes et des plus illustres maisons de Bretagne.

Immanquablement l’affaire fut envoyée devant le Conseil royal et un procès fut instruit quelques années plus tard.

     

A propos de ce procès qui agita pendant quelque temps la cour, il convient de lire la correspondance échangée entre Mathieu Marais [1664-1737], avocat au Parlement de Paris et le Président Jean Bouhier, jurisconsulte [1673-1746] :

     

Mathieu Marais au Président Bouhier le 26 avril 1728 :
- « L’affaire de M. de Fargis n’est pas encore finie ; cet enfant est bien difficile à baptiser ; à la fin il s’appellera Durieu et non Delrieu ni Derieu, et MM. de Rieux seront contents, et MM ; les princes lorrains aussi, qui ont soutenu leurs parents avec honneur et gloire. Il y aura de nouvelles lettres patentes, que le parlement ne sera pas fâché d’enregistrer, depuis qu’on a évoqué l’opposition qui avait été faite aux premières ».

Mathieu Marais au Président Bouhier le 2 mai 1728 :
- « L’affaire de M. du Fargis n’est pas encore finie. Mais ce sera pour aujourd’hui au Conseil royal, et je vous en dirai des nouvelles au premier ordinaire ».

Le Président Bouhier à Mathieu Marais - mai 1728 :
 - « Que Fargis s’appelle Delrieu, de Rieu, ou Du Rieu, peu m’en chaut. Il me parait qu’on solemnise trop cette affaire, qui devrait se terminer par la sangle d’Arlequin ».

Le Président Bouhier à Mathieu Marais – mai 1728 :
– « Je saurais bien aise de savoir comment aura été terminée l’affaire de M. de Fargis. Il est plaisant que cela occupe si longtemps le conseil d’un grand roi. Ne vous semble-t-il pas voir au commencement des Géorgiques tous les rois occupés à résoudre sous quel titre Auguste sera désormais invoqué ? Ou, pour mieux dire, ne croyez vous point voir dans Rome le sénat embarrassé et partagé sur la sauce à laquelle on mettrait cuire la carpe de Domitien ? ».

   

 Le Président Jean Bouhier, jurisconsulte [1673-1746]

     

Mathieu Marais au Président Bouhier le 14 mai 1728 :
– « L’affaire de M. de Fargis n’est pas encore finie. Vous la comparez à merveille à l’embarras du sénat sur la sauce de la carpe de Domitien. Si ce n’est que le sénat de Paris réclame ses droits offensés, et ce rien dans le fond a fait dans la forme une affaire d’éclat entre le Parlement et le Garde des Sceaux, qui rend justice souveraine perplexe sur la décision». 

Mathieu Marais au Président Bouhier le 16 mai 1728 :
– « L’affaire de M. de Fargis a fait souvenir du poème de Voiture, pour un Saint-Germain à qui il donna un nom, où entraient toutes les lettres, hors quelques consonnes qui disputaient sur leur exclusion :  

                                   Sur le nom de Fargis le Sénat incertain
                                        Devroit faire comme Voiture
                                        Pour le poëte Saint-Germain ;
                                   Des lettres d’alphabet il fut une garbure ;
                                        Ainsi s’appeleroit Fargis
                                        Mons Deldudefarriengis.
 
Ils disent qu’une garbure est un pot pourri de plusieurs viandes, et voilà aussi un vrai pot pourri.

 

Le Président Bouhier à Mathieu Marais – mai 1728 :
– « J’ai bien ri de l’épigramme sur M. de Fargis. J’aimerais mieux au dernier vers : Monsdelduderieu Fargis. Pour Garbure, je crois ce mot inventé, comme dans le rondeau fait autrefois contre Malézieu, en ce vers : Sceaux et brevets signés en haut parage de Malézieu, on fourra ce mot de parage pour la rime. Sur cela je m’en rapporte à mes confrères académiques ».

     

Mathieu Marais au Président Bouhier le 25 mai 1728 :
-
« On fait pour M. de Fargis deux commutations totales, on lui ôte tout à fait le nom de Rieux, et il s’appellera Fargis, et comme il n’a point de terre de ce nom, on érige sa terre de Lévi en baronnie de Fargis, afin qu’en s’appelant Lévi, il n’eût pas encore rencontré quelque opposant de la famille de la Vierge, qui est bien plus ancienne que celle de Rieux. Au reste, Garbure est un nom Béarnois et qui est du françois de cuisine. » 

Mathieu Marais au Président Bouhier le 2 juin 1728 :
« Voilà le procès de M. de Fargis, à propos de quoi je vous dirai qu’on efface tous les trois noms, et que l’on remet en tel état qu’il était avant que d’être né, pour le faire baron de Fargis, en érigeant sa terre de Lévi en baronnie sous ce nom. Adam le nomenclateur y serait embarrassé lui-même, aussi bien qu’Apollon son serviteur ».

Blason de Jean-Louis du Rieu du Fargis
Comte du Mesnil-Fargis

   
     

Mathieu Marais au Président Bouhier le 8 juin 1728 :
– « Il y a un dernier changement à Fargis ; il s’appellera du Rieu du Fargis, la terre de Lévi, ou le nom de Lévi commué en Fargis ; voilà la dernière façon, et comme c’est le temps des désistements, MM. de Rieux se sont désistés de leur opposition moyennant cette commutation. Les lettres portent : « en considération des services que ledit de Rieu de Fargis à rendus ». J’ai vu le désistement et non encore les lettres »

Le Président Bouhier à Mathieu Marais – juin 1728 :
« Enfin il est donc décidé que M. de Fargis aura un nom en son petit particulier. Cela ne valait pas la peine de quitter le sien, et j’aurais autant aimé faire ériger une terre sous le nom de Delrieu. Changer celui de sa famille, c’est en avouer publiquement la bassesse ».

     

Enfin au mois de juin 1728, des lettres patentes données à Compiègne (où sont rappelés tous les titres la filiation de Jean-Louis François du Rieu du Fargis) confirment le nom de Du Rieu et érigent en comté Le Fargis au profit de Jean-Louis François du Rieu avec la châtellenie du Mesnil-Habert « pour ne faire ensemble qu’une seule et même terre et seigneurie…et érigé le tout en titre et dignité de comté sous le nom de comté du Fargis ».

Ces lettres furent enregistrées, en ce qui concerne le nom de Du Rieu, au Parlement le 22 juillet, à la Chambre des Comptes le 20 décembre 1728 et au Bureau des Finances de la généralité de Paris le 5 mai 1729 ; et en ce qui concerne l’érection en comté, au Parlement le 6 septembre 1728, à la Chambre des Comptes le 18 mars et au Bureau des Finances le 5 mai 1729.

     

C’est le 29 septembre 1729 que Jean-Louis François du Rieu du Fargis, assista en qualité de parrain au baptême des nouvelles cloches de l’église du Mesnil-Saint-Denis.

Répondant aux prénoms de « Renée », « Félice » et « Charlotte » ces dernières eurent le plaisir d’avoir pour parrains et marraines de grands noms du royaume.

Nommons simplement le comte de Maurepas, Jean-Frédéric de Phélypeaux [1701-1781], ministre et secrétaire d’état ; Armande Félice de la Porte de la Meilleraye de Mazarin, marquise de Nesle [1691-1729] (petite-fille d’Hortense Mancini et arrière-petite nièce de Mazarin) ; Joachim-François Potier [1692-1757], duc de Gesvres, Pair de France, gouverneur de Paris ; Renée Elisabeth de Romilly de la Chesnelaye [ ?-1742] veuve de Léon Potier duc de Gesvres et Louise Charlotte de Foix-Rabat, comtesse de Sabran et de Forcalquier [1693-1768].

     

Détail des signatures sur l'acte de baptême des cloches de l'église
du Mesnil-Saint-Denis le 29 septembre 1729

     

Le registre d’état-civil mentionne encore comme présents à cette cérémonie les noms de Charles-François Frédéric de Montmorency-Luxembourg [1702-1764] duc de Luxembourg, gouverneur de la province de Normandie, colonel du régiment de Touraine, et celui de Henriette de Fitz-James, marquise de Reynel [1705-1739], fille du duc de Berwick et petite fille de Jacques II Stuart, roi d’Angleterre.

     

C’est aux Essarts-le-Roi, en l’église paroissiale Notre-Dame des Layes, que le 27 août 1731 il est fait mention du nom de Jean-Louis du Rieu du Fargis sur l’acte de baptême de la première cloche de cette église.

En effet en ce début du XVIIIe siècle, le village des Layes dépendait du comte du Rieu du Fargis, et  tout naturellement c’est en sa qualité de seigneur des lieux que celui-ci fut choisi pour être le parrain de la nouvelle cloche dénommée « Marie ».

La bénédiction fut célébrée par Robert Marineau, prêtre curé de la dite paroisse. L’abbé Michel Chanut, prêtre docteur en théologie, abbé commendataire de l’abbaye royale de Notre Dame de la Roche Lévis, en remplacement de Jean-Louis du Rieu du Fargis, fut nommé parrain, la marraine fut Marie-Jeanne Rousseau, épouse de Nicolas Tixerand, fermier général de Monsieur le duc d’Orléans, en remplacement de la défunte Gabrielle-Andrée de la Reynie, veuve de Jean-Louis Habert de Montmor, intendant général des armées navales de France.

Cette bénédiction solennelle fut faite entourée des curés des villages avoisinants et de nombreuses personnalités : Louis Lemarquant, curé du Mesnil-Fargis ; Joseph Dupont Doux, curé de Saint-Rémy-l’Honoré ; Pierre Boutte, prêtre docteur en théologie, curé de Cernay ; Claude Dumont,  curé de Lévis ; Robert Giffard, curé de Saint-Forget ; de Jean Creuzet, curé de Maincourt ; André Vauchet, curé de Dampierre ; Marc Antoine Maringan, confesseur des Dames de Hautes-Bruyères, Denis Rousseau, maître des exercices de guerre des pages du Roi, Nicolas Tixerand, fermier général de Monsieur le duc d’Orléans…

     

En février 1737, nous retrouvons Jean-Louis du Rieu du Fargis assistant en qualité de témoin au mariage de Hélène Louise Madeleine de Sabran [1718-1737] (première filleule du roi, fille de Jean-Honoré, comte de Sabran et de Forcalquier, grand sénéchal pour le roi de la ville de Toulon, premier chambellan du duc d’Orléans, et de Louise-Charlotte de Foix-Rabat) avec Charles-Michel Anne, comte d’Arcussia, baron de Fos [v.1709-1786].

La cérémonie fut célébrée le 18 février en l’église paroissiale de La Norville, petite commune de l’Essonne. Le 12 mars suivant, la jeune épouse, qui hélas devait  mourir au mois d’octobre suivant, fut présentée au Roi et la Reine, à Monseigneur le Dauphin et à Mesdames de France par Madame la duchesse de Duras, sa parente, Mesdames les duchesses de Lorges, de Lauzun et de Randan et par les comtesses de Lorges et de Sabran.

C’était la troisième fois que la Maison d’Arcussia, originaire du royaume de Naples, prenait alliance avec celle de Sabran.

     

Le 15 septembre 1737, Jean-Louis du Rieu du Fargis, demeurant alors à Paris, Grande rue du Faubourg Montmartre paroisse Saint-Eustache, vend par devant Me Langlois & Jourdain, notaires à Paris, le château du Mesnil-Saint-Denis pour la somme de 140.000 livres à Charles de Selle [1707-1786], avocat au Parlement de Paris, conseiller du roi puis Commissaire aux Requêtes du Palais et à son épouse Marie-Catherine Lamouroux [1713-1766].

Figure également dans cette vente, la ferme de Beaurain, celle de Rodon, une maison servant de cabaret située dans le village du Mesnil-Saint-Denis, une maison au hameau du Mousseau-Nouvellon et différentes pièces de terres.

     

Nous retrouvons trace de notre personnage en 1739, dans le Journal et mémoires du marquis d’Argenson [1694-1757], écrivain et secrétaire d’état aux Affaires Etrangères de Louis XV, lequel nous rapporte sous la date du 22 juillet, la parodie que Jean-Louis du Rieu du Fargis fit d’une cérémonie de mariage :

                 -« Fargis a fait la cérémonie de marier deux couples d’amants mariés ailleurs. C’était à la campagne de Compiègne, où M. le duc de Biron commande ; Mme de Rottembourg (fille de Madame de Parabère, maîtresse du Régent), et la duchesse de Vaujour l’y sont venus voir ; on a bu, et on a dit que leur fréquentation était illégitime. On a habillé Fargis en pontife ; on lui a fait une mitre de carton ; il a béni les prétendus mariés, puis il a mis au lit M. de Biron avec Mme de Rottembourg, et M. de Bissy avec la duchesse de Vaujour, tandis que le pauvre de Rottembourg est à la campagne, qui sue la vérole, et tandis que le duc de Vaujour (Louis César Le Blanc de La Baume, neveu de Mme de La Vallière, devint duc de La Vallière) vit avec de jolis garçons ».

     

La fin de Jean-Louis du Rieu du Fargis nous est annoncée dans une lettre de Louis XV à M. de Richelieu datée du 3 janvier 1743 :

        -« La véritable madame de Chevreuse, ainsi que Fargis, ont la petite vérole depuis quelques jours : ce dernier s’en tirera mal, je crois, & cette dernière peut-être pas trop bien ».

Enfin sa mort survenue à Paris est relatée dans les Mémoires du duc de Luynes sur la cour de Louis XIV (1735 à 1758) :

      -« M. de Fargis mourut lundi dernier, dans la nuit du 26 au 27 décembre 1742, de la petite vérole, il avait cinquante à soixante ans ; homme aimable et de bonne compagnie ; il avait été capitaine des gendarmes de la Reine ; il avait hérité de M. de Montmor, son oncle, de la terre du Mesnil-Habert ou Mesnil-Saint-Denis, entre Versailles et Rambouillet ; il l’avait vendue depuis à M. le Comte de Toulouse, qui, après en avoir distrait ce qui lui convenait, l’a revendue depuis à un M. Selle, dont le frère est intendant des Menus ».

     

Signature de Jean-Louis du Rieu du Fargis

     

Son décès est officiellement annoncé dans la Gazette de France du 29 décembre 1742.

     

Après son décès, les scellées furent apposés à son hôtel de la rue du Bac, quartier du Faubourg Saint-Germain et Antoine Desprez fut nommé son exécuteur testamentaire.  N’ayant point été marié et n’ayant point laissé de postérité, ses biens furent partagés entre ses sœurs :

- Anne-Louise du Rieu mariée avec Jean-Etienne II de Thomassin, marquis de Saint-Paul, Président à Mortier du Parlement d’Aix en Provence.

- Julie du Rieu, sœur Bernard, religieuse ursuline au Couvent de Sainte-Avoie, à Paris

- Madeleine-Elisabeth du Rieu-du-Fargis mariée à Pierre-Eleonor, marquis de Férolles, gouverneur de l’île de Cayenne.

     

 

Pour finir, l’on pourra citer un passage du Chevalier d’Harmental du grand Alexandre Dumas dans lequel l’auteur dresse un portrait de celui que l’Histoire retiendra sous le nom du Beau Fargy :
     

            -« Le comte de Fargy, que l’on appelait habituellement le beau Fargy, en substituant l’épithète qu’il avait reçue de la nature au titre que lui avaient légué ses pères, était cité, comme l’indique son nom, pour le plus beau garçon de son époque : ce qui, dans ce temps de galanterie, imposait des obligations devant lesquelles il n’avait jamais reculé, et dont il s’était toujours tiré avec honneur. En effet, il était impossible d’être mieux pris dans sa taille que ne l’était Fargy.

              C’était à la fois une de ces natures élégantes et fortes, souples et vivaces, qui semblent douées des qualités les plus opposées des héros de roman de ces temps-là. Joignez à cela une tête charmante qui réunissait les beautés les plus opposées, c’est-à-dire des cheveux noirs et des yeux bleus, des traits fortement arrêtés et un teint de femme.

             Ajoutez à cet ensemble de l’esprit, de la loyauté, du courage autant qu’hommes du monde, et vous aurez une idée de la haute considération dont devait jouir Fargy auprès de la société de cette folle époque, si bonne appréciatrice de ces différents genres de mérite 
».                                                               
                                                                                                           Alexandre Dumas - 1842

     
     
     
     
     
 

 
     
     
     
© Olivier FAUVEAU - 2009    
     
     
     
     
     
 

Retour à l'accueil