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Le Temple de la Mort
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Philippe Habert
(1605-1637)
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Sous
ces climats glacés où le flambeau du monde
Epand avec regret sa lumière féconde,
Dans une île déserte, est un vallon affreux,
Qui n'eut jamais du ciel un regard amoureux.
Là, sur des vieux cyprès dépouillés de verdure,
Nichent tous les oiseaux de malheureux augure ;
La terre, pour toute herbe, y produit des poisons ;
Et l'hiver, y tient lieu de toutes les saisons ;
Tous les champs d'alentour ne sont que cimetières ;
Mille sources de sang y font mille rivières,
Qui traînant des corps morts & de vieux ossements,
Au lieu de murmurer, font des gémissements.
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Au
creux de vallon, dès l'enfance du monde,
Est un Temple fameux, d'une figure ronde.
Quatre portes en fer en quatre endroits divers,
Par l'ordre des Destins partagent l'univers ;
L'une est vers le couchant, & l'autre vers l'aurore,
L'une voit le Sarmathe, & l'autre voit le More ;
Et là viennent en foule, & sous d'égales lois,
Les jeunes & les vieux, les peuples & les rois.
La vieillesse, la fièvre & les douleurs mortelles,
Sont de ses huis sacrés les portières fidèles,
Leurs habits sont de deuil, & cet obscur manoir
A ses funestes murs entourés de drap noir,
Où des flambeaux de poix des lumières funèbres
Par leurs noires vapeurs augmentent les ténèbres.
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Un
monstre, sans raison aussi bien que sans yeux,
Est la divinité qu'on adore en ces lieux ;
On l'appelle la Mort ; & son cruel empire
S'étend dessus les jours de tout ce qui respire.
L'objet le plus charmant que voyent les mortels
Venait d'être immolé sur ses fameux autels ;
La place d'alentour était toute sanglante,
Et rougissait encore du meurtre d'Amarante ;
Alors que Lizidor, dont le funeste amour
Est connu de tous ceux qui connaissent le jour ;
L'âme de désespoir & de fureur atteinte,
Dans ce temple sacré proféra cette plainte.
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Puissante
Déité, qui portes dans tes mains
Ce vieux sceptre rouillé craint de tous les humains,
De qui l'aveuglement ne respecte personne,
Et n'épargna jamais ni sceptre, ni couronne ;
Toi qui règnes partout, & dont tous les mortels
Doivent ensanglanter les mains & les autels ;
Toi qui, par une loi de tout âge suivie,
Dois donner le trépas à qui reçoit la vie,
Ne ferme point l'oreille, écoute ce discours ;
Je ne viens pas ici pour prolonger mes jours ;
Mes voeux sont de mourir, de cacher sous la terre
Une âme à qui les cieux ont déclaré la guerre,
De dépouiller ce corps de la clarté du jour,
Et ne retenir rien, si ce n'est mon amour.
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Unique
réconfort des douleurs incurables,
Port où sont à couvert les esprits misérables,
Déesse qui conduis aux infernales eaux,
Frappe ; je tends le sein à tes sacrés couteaux,
Ne prive pas mon coeur d'un espoir légitime,
Et ne refuse pas le coup à ta victime.
Les autres, oubliant qu'on les a faits mortels,
Se sont traîner par force au pied de tes autels.
Ce murmure confus, & ce confus carnage
De corps si différents, de rang, de sexe & d'âge,
Ce fer fumant du sang que l'on vient d'épancher,
Ces têtes & ces bras épars sur ce bûcher,
Ces flammes que le temps ne voit point amorties,
Ces pleurs mêlés aux cris des mourantes hosties,
Tout ce tragique apprêt les fait déjà souffrir,
Ils se laissent ôter ce qu'ils doivent offrir,
Et faisant à regret ce que le ciel demande,
Leur lâcheté noircit leur gloire & leur offrande,
Leur maintien devant toi n'a rien que d'indécent,
La peur pour un trépas leur en fait craindre cent,
Le fer perd dans leur sein l'honneur de son office,
Le prêtre fait un meurtre au lieu d'un sacrifice,
Et profane ses mains, en rompant les accords
Que la nature a mis entre l'âme et le corps.
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De
moi, que ton saint bras s'arme contre ma tête,
Qu'il fasse dessus elle éclater sa tempête,
J'ai bien assez de coeur pour ne reculer pas,
Et voir tomber le coup qui porte le trépas.
Mes yeux seront sans pleurs, & ma bouche sans
plainte,
Mon corps sans tremblement, & mon âme sans crainte,
Ne crois pas que le temps qui tarit tous les pleurs,
Cet heureux médecin de toutes les douleurs,
Lui de qui tant d'amants ont senti le remède,
En apporte jamais au mal qui me possède,
En vain tout l'univers le voudrait secourir,
Toi seul as dans tes mains ce qui le peut guérir.
Et pour te faire voir comme il est incurable,
Apprends ce que mon sort a de plus déplorable.
Entre un nombre infini d'adorables beautés,
Qu'enfanta dans ses murs la reine des cités,
Paris, dont l'univers ne voit point de pareille,
Chacun sait qu'Amarante était une merveille,
La gloire de brûler aux flammes de ses yeux,
Contenait les désirs des plus ambitieux ;
Et ses fers captivant les âmes des plus braves,
Faisaient autant de rois comme ils faisaient d'esclaves.
Amour, de qui les feux n'ont été si cuisants,
Me fit voir cette belle en ses plus jeunes ans.
Sa main mal assurée & ses regards timides
Firent sur moi l'essai de leurs traits homicides,
Ce fut dessus mon coeur qu'elle apprit à tirer,
Mon coeur fut le premier qu'elle fit soupirer,
Et mes yeux, arrosant ses belles mains de larmes,
Payèrent les premiers le tribut à ses charmes.
Mais comme, le premier entre tous les mortels,
Je lui rendis des voeux, & bâtis des autels,
Aussi de tant d'amants épris de cette gloire,
Amarante me crût digne de sa victoire,
Ma conquête lui plût, & mon coeur enflammé
Ne l'aima pas longtemps sans qu'il en fut aimé,
Sa glace se fondit aux ardeurs de ma flamme,
Son âme compatit aux tourments de son âme,
Son coeur de ses soupirs honora mes douleurs,
Ses beaux yeux pour des pleurs me donnèrent des pleurs,
Sa voix me consola dans mes plus fortes gênes,
Et sa divine main vint soutenir mes chaînes,
J'étais l'unique objet de ses affections,
Ma tristesse & ma joie étaient ses passions,
Ma crainte dans son âme excitait mille craintes,
Et mes moindres douleurs faisaient naître ses plaintes,
Deux coeurs ne respiraient que les mêmes désirs,
Et deux coeurs ne poussaient que les mêmes soupirs.
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Ici
je te permets, trop fidèle mémoire,
De cacher à mes yeux le comble de ma gloire.
Ne me fais point trouver dans ses bras languissants,
Ne mets point son beau corps au pouvoir de mes sens,
Que toutes ses faveurs passent pour des mensonges,
Et tant d'heureuses nuits me soient autant de songes,
Dérobe à tant de beautés une âme inexorable,
Fais-la-moi sans pitié, si tu m'es pitoyable,
Et pour rendre aujourd'hui mon mal moins rigoureux,
Formes-la moins aimable, ou me rends moins heureux,
Mais j'ai beau me flatter pour soulager ma peine,
Elle fut toujours belle, & jamais inhumaine,
Mon âme fut d'accord avec mes désirs,
Et je soupirais peu, qu'au milieu des plaisirs,
De tant de passions dont nous sommes la proie,
J'ignorais presque tout, hors l'amour & la joie,
Le ciel ne voyait rien de plus heureux que moi,
Et je goûtais un bien aussi pur que ma foi.
Las ! il fut aussi pur, mais non pas si durable,
Et ma félicité fut un songe agréable,
Sa beauté fut pareille à celle d'un éclair,
Qui dans l'obscure nuit brille au milieu de l'air,
Son jour rit à nos voeux ; mais il porte la foudre
Qui frappe, qui terrasse, & qui réduit en poudre,
Et nous sert bien souvent de funeste flambeau
Pour mener nos esprits vers la nuit du tombeau.
J'étais dans les transports des premières délices
Dont Amour couronna mes fidèles services,
Lorsqu'une ardente fièvre assaillit la beauté
Qui dedans ses liens tenait ma liberté.
Il n'est rien ici-bas qui ne soit périssable,
Les plus fermes rochers sont assis sur le sable,
Les trônes & les rois sont rongés par les vers,
Et deux points font l'appui de ce grand univers.
Tout fléchit sous les lois des fières destinées,
Tout paye le tribut au tyran des années,
Et nos pères ont vu son bras audacieux
Renverser les autels & foudroyer les Dieux.
Amarante languit d'une fatale atteinte,
Sa constance à son mal veut dérober la plainte,
Et comme dans un fort se retire en son coeur,
Mais il s'en rend le maître, & le traite en
vainqueur.
La fièvre en ce beau corps, orgueilleuse & hautaine,
Sur des ruisseaux de sang serpente & se promène,
Et le feu dans la main, menace du tombeau
Tout ce que la nature a de riche & de beau,
Elle efface les fleurs sur son visage écloses,
Y fait jaunir les lys, y fait pâlir les roses,
Et ravit à son teint cet éclat non pareil
Qui ne devait périr qu'avec le Soleil.
Ses yeux, dont les rayons illuminaient mon âme,
Ne jettent plus de traits, ne jettent plus de flamme,
Ces beaux astres n'ont plus le mouvement si prompt,
Et la seule douleur règne dessus son front,
De moment en moment sa peine devient pire,
Son âme la ressent, sa bouche la soupire.
Elle pour qui l'on vit soupirer tant d'amants,
Soupire à cette fois sous l'effort des tourments,
Et par des tristes cris, qu'interrompent ses plaintes,
Etonne mon amour & réveille mes craintes.
J'accuse de mon sort & la terre & les cieux,
Et je rends criminels les hommes & les Dieux,
Je deviens furieux & contraire à moi-même,
Mon coeur forme des voeux, & ma bouche blasphème,
J'implore leur secours, & blesse leur bonté,
Et mets le sacrilège avec la pitié.
Ce qui plus me travaille en ma triste aventure,
Est qu'il me faut cacher le tourment que j'endure,
Je voile mes ennuis, je dévore mes pleurs,
J'interdis la parole à mes justes douleurs,
Je fais mentir mes sens, ma voix & mon visage,
Je feins d'avoir du calme au milieu de l'orage,
J'ai l'espoir dans la bouche, & l'effroi dans le
sein,
Et plus de demi-mort, je contrefais le saint.
Mais qui peut longtemps feindre aux yeux de son amante ?
Qui peut voir d'un oeil sec sa maîtresse mourante ?
Quand ma raison m'eut dit qu'un ouvrage si beau
Devait en peu de jours enrichir un tombeau,
Amour me fit bien prendre un autre personnage,
Je change de couleur, je change de langage,
Et tous mes sentiments, révoltés contre moi,
Témoignèrent ma crainte & trahirent leur foi.
Cette belle malade interprète mes larmes,
Explique mes soupirs, juge de mes alarmes,
Elle lit sur mon front son lamentable sort,
Et voit dedans mes yeux les signes de sa mort.
Ce n'est pas son tourment, mais le mien qui l'outrage.
Son mal, & non le mien, étonne mon courage,
Nous ressentons tous deux ce que nous n'avons pas,
Elle plaint ma douleur, & je crains son trépas ;
Pour les maux étrangers nos âmes sont passibles,
Et nos propres malheurs nous trouvent insensibles.
La fièvre cependant se rit de nos douleurs,
S'accroît par nos soupirs, s'enflamme par nos pleurs ;
Et son ardeur fait voir que toute son envie
Est de borner le cours d'une si belle vie.
Amarante, voyant qu'un sort injurieux
Allait bientôt fermer & sa bouche & ses yeux,
Me tendit, en pleurant, sa belle main tremblante,
La mit dedans la mienne, & d'une voix mourante,
Exprima dans ces mots sa vivante amitié ;
Mais, hélas ! ses soupirs en dirent la moitié.
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C'en
est fait, à ce coup la rigueur me délaisse,
Je vais perdre la vie, & tu perds ta maîtresse ;
Je meurs, mais je meurs tienne ; & la sévère loi
Qui peut tout sur mes jours, ne peut rien sur ma foi.
Et ton beau nom, qui fut mon tourment & ma gloire,
Malgré l'ordre du sort, passera l'onde noire.
Ah ! mon cher Lizidor, que je puis bien nier
Que l'espoir soit en nous ce qui meurt le dernier ;
Puisque, pour mon supplice, il est vrai qu'en mon âme
Je n'ai plus d'espérance, & j'ai beaucoup de flamme
;
Je n'espère plus rien ; mais, hélas ! j'aime encore,
Je renonce à la vie, & non à Lizidor,
Ma force diminue, & mon ardeur vivante ;
Ma lumière est éteinte, & mon désir augmente ;
Je ne la quitte pas, même en quittant le jour,
Et perdant mon amant, je garde mon amour.
Le soupir qui poussa cette belle parole,
Comme un globe enflammé, vers les astres s'envole :
Amarante sans voix, sans pouls, sans mouvements,
Tombe dedans les bras de son fidèle amant,
Qui ne pouvant mourir auprès de cette belle,
Fit voir qu'on ne meurt pas d'une douleur mortelle.
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Déesse,
qui connais l'excès de ces malheurs,
N'épargne point mon sang, mais épargne mes pleurs,
Et permets que j'abrège un discours si funeste,
Mon extrême douleur te dit assez le reste :
Tu vois, par ce récit qui dépeint mes amours,
Si mon tourment a tort d'implorer ton secours,
Si je puis vivre encore sans me noircir de crimes,
Et si mes tristes voeux ne sont pas légitimes.
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Viens,
mon unique espoir. Tu viens en tant de lieux,
Où ton nom est l'effroi des jeunes & des vieux.
Approche, & que ta main, en meurtres si féconde,
Fasse un coup aujourd'hui qui m'ôte de ce monde ;
Lance un trait dessus moi ; je ne demande pas
Un de ceux dont les rois reçoivent le trépas ;
Le moindre suffira pour détacher mon âme,
Et couper de mes jours la malheureuse trame.
Mais c'est trop de prier, & c'est trop discourir,
Essayons si, sans toi, nous pourrons bien mourir.
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Philippe
HABERT est né à Paris vers 1605. Il est le fils de
Philippe Habert (troisième du nom né en 1570) et de
Suzanne Habert (sa cousine germaine 1574-1661). Il aura
six frères Jacques, René, Pierre, Léon III, Pierre II,
Nicolas et Germain Habert (abbé de Cerisy) et quatre
soeurs Michelle, Suzanne, Marguerite et Suzanne II.
Ce jeune homme aux cheveux blonds, aux yeux bleus, au
visage marqué par la petite vérole, fut membre de
lAcadémie française dont il contribua à rédiger
les statuts, titulaire du 3e fauteuil.
Il sera le protégé de Charles II de Laporte, duc de La
Meilleraye, grand-maître de lartillerie et cousin
germain du cardinal de Richelieu, qui sintéresse
à lui et le nomme commissaire dartillerie.
Philippe Habert se trouvera à la bataille dAvein
entre les français et les espagnols (20/05/1635), aux
sièges de La Mothe (1634), de Nancy (1633) et de
Landrécies (26/07/1637).
C'est le 22 avril 1633, peu de temps après le décès de
la fiancée de Philippe Habert, que survient le décès
de Marie Coiffier de Ruzé, fille du maréchal
dEffiat et femme du duc de La Meilleraye.
Cest à loccasion de ce décès que Philippe
Habert composa "Le Temple de la Mort"
un poème denviron trois cent vers, qui fut
considéré à travers le XVIIe siècle comme un
des chefs-doeuvre de la poésie moderne.
Le poème, imprimé à Paris en 1637, in-8°, se
terminait par une tête de mort que Philippe Habert avait
dessinée.
Il sera au nouveau imprimé en 1646 chez Antoine de
Sommaville, et fut inséré depuis dans différents
Recueils, comme La Bibliothèque Poétique de M.
Le Fort de la Morinière en 1745 ou dans Recueil des
plus belles pièces des poètes français, tant anciens
que modernes, depuis Villon jusquà M. de Benserade
en 1752 de Bernard Le Bouyer de Fontenelle (1657-1757).
" Le Temple de la
Mort " eut un immense succès dans les
salons chez Madame de Rambouillet ainsi que chez
Mademoiselle de Gournay, dont Philippe Habert avec son
frère Nicolas et Henri-Louis Habert de Montmor, son
cousin issu de Germain, était familier.
Pendant trois ans, de 1633 à 1636, Philippe Habert ne
cessa de le retoucher, afin de le rendre absolument
parfait !
Ce poème reçu des
éloges du Père Pierre Mambrun (1600-1661),
jésuite ; de Gabriel Guéret (1641-1688) avocat au
Parlement de Paris, de Paul Pelisson qui en dira
" quil avait des beautés réelles, de
grandes images, des tableaux éclatants, de la douceur et
de la tristesse ", et de la plupart des
critiques qui ont eu loccasion den parler,
comme on peut le voir dans les Jugements des Savants
sur les principaux ouvrages des auteurs, 1685-86,
(9 volumes) dAdrien Baillet (1649-1706).
Evrard Titon du Tillet (1677-1762), a également parlé
des poésies de Philippe Habert en 1732 dans son Parnasse
français, tandis que Bussy-Rabutin dans ses
" Mémoires " et Madame de
Sévigné, amie de la famille Habert de Montmor, aimaient
en citer des vers.
DAlembert (1717-1783) en citera encore des vers,
afin, disait-il " de faire honneur à
lAcadémie du talent poétique dun ses
premiers membres ". Plus tard en 1827, John
Sheffield en fera une traduction en anglais.
A noter que lont
retrouvent certains vers du poème " Le Temple
de la Mort " sur les murs des Catacombes à
Paris.
Philippe Habert, poète
aujourdhui oublié, appartenait au cénacle des
" illustres bergers " qui, cultivant
la poésie dans des campements champêtres sur les bords
de la Seine, sappliquaient à vivre comme les
héros de LAstrée et où il portait le nom
de Lizidor.
Capitaine d'artillerie,
Philippe Habert est tué le 5 août 1637 à l'âge de 33
ans par la chute dun mur lors de l'explosion
dun dépôt de munitions dans le Hainaut, alors
quil se trouvait devant le château dEmery
entre Mons et Valenciennes (aujourdhui commune
dHoudeng-Aimeries ).
Le 13 août 1637, la
Gazette de Loret annonça sa mort.
LAcadémie
française lui rendit de grands honneurs funèbres en
chargeant Jean Chapelain (1595-1674) décrire son
épitaphe :
" Habert,
qui sur la terre eut une âme céleste
Et naspira jamais quau céleste séjour,
Par linfernale poudre a vu son dernier jour,
Et son corps sans figure est ce qui nous en reste.
LUnivers
plaint son sort, la France le déteste,
Le Parnasse de cris en résonne alentour,
Le Lycée en murmure, et lArmée et la Cour,
Le nomment à lenvi déplorable et funeste.
Lui
seul, dans ce malheur, bien que son triste corps,
Par mille éclats meurtris, endurât mille morts,
Naccusa point le feu qui consuma sa vie.
Et certes au seul corps il fut injurieux,
Lâme léprouva doux, car suivant son envie,
Le feu même denfer la porta dans les
Cieux. "
(Chapelain. Rec. de ses manuscrits légués à la
Bibl.Nat. par Sainte-Beuve)
Antoine Godeau
(1605-1672) fut chargé de son éloge.
Antoine Godeau,
évêque de Grasse, se trouvait à Marseille au moment
où il apprit la nouvelle de la mort de son ami. Il
sempressa décrire à son frère, Germain
Habert abbé de Cerisy, une touchante lettre datée du 31
août 1637 :
-" Je
mêle mes larmes avec les vôtres, je répète
toutes vos plaintes et je sens, ce me semble,
tout ce que vous sentez, vous perdez un excellent
frère et je perds un incomparable ami. Le lien
du sang est bien étroit, celui de
laffection est bien fort et les choses
quelle arrache ne se séparent pas avec
moins de violence que celles quunit la
nature. Celle-ci fait la liaison des coeurs, sans
nous, mais celle-là est un ouvrage de notre
raisonnement et un effet de cette glorieuse
puissance, que lhomme a de disposer de
soi-même ; cest pourquoi, quand elle
est pure, il est bien malaisé dexprimer
quels sont ses sentiments dans ses pertes, mais
enfin, comme elles ne sont pas irréparables, ses
regrets ne doivent pas être éternels.
Lâme de nos amis nétant pas
enfermée dans le tombeau, il nest pas
juste que notre pensée nen veuille jamais
sortir. Leurs cendres sont de pitoyables reliques
de ce quils ont été et de plus chers
gages de ce quils seront. En les perdant,
nous avons perdu des compagnons de nos chaînes,
et un jour nous les embrasserons en qualité de
compagnons de notre royauté. "
Louis Moréri
(1643-1680) dit que Philippe Habert " était
de taille moyenne, froid et sérieux dans la conversation
et cependant capable dune si grande passion
quil faillit mourir damour pour une de ses
maîtresses. Il avait des sentiments élevés et le
courage grand".
Paul Pélisson (1624-1693) le loue " davoir
été civil, discret, homme dhonneur et de
probité, non seulement aimable mais digne dune
estime toute particulière "
On doit à Philippe
Habert :
- Le Temple de
la Mort
- Relation de
ce qui sest passée en Italie sous le
Marquis dUxelles
- Le Narcisse
(Guirlande de Julie)
- Le Soucy
(Guirlande de Julie)
- Stances Sur
le jour de lan
- Stances
pastorales
- Songe
- Madrigal
pour M. le Marquis de L.
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©
Olivier FAUVEAU - 2007 |